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Chronique d’écologie intégrale du mardi 28 Janvier 2025, Mémoire facultative de S. Isaac le Syrien, évêque
Pour le 28 janvier, en même temps que S. Thomas d’Aquin, le pape François a ajouté S. Isaac le Syrien né vers 640 et mort vers 700, à la liste des saints célébrés par l’Église catholique romaine. Et ce n’est pas vieux car cela ne remonte qu’à 2017. Né dans l’actuel Qatar, S. Isaac fut évêque de Ninive pendant cinq mois seulement, mais abdiqua sa charge épiscopale pour se retirer dans le monastère de Rabban Shabour au sud-ouest de l’Iran actuel. Saint Isaac est l’un des plus grands auteurs spirituels de l’Orient chrétien. Sa renommée s’est répandue très rapidement dans le monde syriaque. Il a été traduit en Grec au ixe siècle. Sa diffusion dans l’empire byzantin participe à l’essor du mouvement hésychaste du xive siècle. D’après Olivier Clément, L’hésychasme signifie « paix, douceur, silence de l’union avec Dieu[1] ». Ce courant traverse les siècles jusqu’à aujourd’hui notamment par le développement de la prière du cœur si bien mise en valeur par les Récits d’un pèlerin russe au xixe siècle. Avec ce saint je me permets de relever la dimension proprement œcuménique du travail de valorisation de la Bonne nouvelle de la création et de l’écologie intégrale. En effet, les écrits de S. Isaac le Syrien sont parus en français en 1981 aux éditions Desclée de Brouwer et sa collection « Epiphanie dirigée » par Olivier Clément, grand théologien français de l’Orthodoxie. « La collection Théophanie, […] se propose d’être pour l’Occident chrétien un lieu de rencontre avec l’Orthodoxie[2] ». Le livre en question pèse plus de cinq cents pages contenant les quatre-vingt-six discours Ascétiques de S. Isaac ainsi que ses lettres. Mais l’introduction de ce saint dans le martyrologe romain par François en 2017 va encore plus loin car il en fait un saint de l’Eglise catholique autant que des églises orthodoxes valorisant par le fait même la tradition et le poumon syriaque de l’Eglise, au côté du poumon catholique romain, et de celui de l’orthodoxie byzantine de langue grecque… Trois poumons, donc. C’est ce que nous continuerons de faire avec la mémoire de S. Ephrem de Nisibe, dit aussi le Syrien à la date du 9 juin. S. Isaac met un œuvre un double mouvement dans sa vie spirituelle : l’élan vers l’incréé et la compassion pour la création. Ces deux directions sont indissociables pour une vie spirituelle accomplie. Jean Bastaire voit ainsi dans ce personnage l’union de la mystique de Denis l’Aréopagite, et celle de S. François d’Assise en un seul homme. Voici quelques éléments tirés de ses discours ascétiques pour nous aider à penser la place de l’être humain dans la création. Dans le vingtième discours il est question de celui qui s’humilie devant Dieu et qui méprisé aux yeux des hommes, je cite : « Plus l’humble est méprisé [aux yeux de Dieu], plus l’honore la création[3]. » Tiens, voilà qui est intéressant. Celui qui reconnaît sa juste place devant Dieu, celle de l’humilité, c’est-à-dire, celle de l’humus ou du sol dont Adam est tiré, alors celui-ci est reconnu par la création, car l’humble reconnaît qu’il est tiré des mêmes éléments que les autres créatures. Je continue la citation : « Les fauves meurtriers, dès qu’ils le voient, s’approchent de lui comme de leur maître. Ils remuent la tête, lèchent ses mains et ses pieds, car ils ont senti, émanant de lui, cette odeur qu’exhalait Adam avant la transgression et que Jésus nous rend par son avènement[4]. » C’est cette même odeur que tous les animaux ont eu l’occasion de humer au moment de leur nomination alors qu’Adam les passait en revue dans le jardin d’Eden pour achever ce qui manquait en eux de l’action créatrice. Dans ces chroniques j’ai souvent l’occasion de parler de tous ces saints, souvent des moines qui ont acquis un niveau de sainteté telle qu’ils vivent une sorte de réconciliation avec les créatures et en particulier les animaux sauvages telle que S. François d’Assise l’a vécue. Avec le parfum d’Adam retrouvé, nous en avons une formulation des plus justes et des plus poétiques. Dans le discours 81, S. Isaac pose la question « Qu’est-ce que la pureté ? C’est un cœur compatissant pour toute la nature créée ». Et plus loin il continue en posant la question : qu’est-ce qu’un cœur compatissant ? « C’est un cœur qui brûle pour toute la création, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toute créature. Il ne peut supporter d’entendre ou de voir le moindre mal ou la moindre tristesse. Il prie en larmes à toute heure pour les animaux sans raison, pour les ennemis de la vérité, afin qu’ils soient gardés. Dans l’immense compassion qui se lève en son cœur, sans mesure, à l’image de Dieu, il prie même pour les serpents[5]. » Alors demandons pour nous avec le Ps 50, 12 : « crée en moi un cœur pur ô mon Dieu », pour avoir compassion des créatures, même des serpents.
[1] Olivier Clément, « Préfaces », Isaac le Syrien, Œuvres spirituelles, Paris, DDB, Coll. Théophanies », 1981, p. 9.
[2] Jean Bastaire, « Isaac le Syrien », Eglise de Grenoble, 15/12/1982, p. 175.
[3] Isaac le Syrien, « 20e discours ascétique », in Œuvres spirituelles, Paris, DDB, Coll. Théophanies », 1981, p. 139.
[4] Id.
[5] Ibid., « 81e discours ascétique », p. 395
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