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Chronique d’écologie intégrale du samedi 09 Novembre 2024, Mémoire facultative de S. Albert le Grand, évêque et docteur de l’Eglise
Le 15 novembre l’Eglise fait mémoire de S. Albert le Grand. Il est né Albrecht de Bollstädt entre 1193 et 1206 à Lauingen en Souabe, et donc sujet du saint Empire romain germanique. Etudiant à Padoue, il entre chez les Dominicains en 1223. Il enseigne la théologie en de nombreuses villes de l’empire pour ensuite parvenir à l’université de Paris entre 1240 et 1248. Il est ensuite muté à Cologne, et pendant cette période il eut un certain Thomas d’Aquin comme élève. Il est ensuite nommé provincial entre 1254 et 1257, puis évêque de Ratisbonne en 1260. Il abandonne pourtant toutes ses charges en 1262 pour se consacrer à son œuvre théologique et philosophique. Il meurt à Cologne en 1280. Il fut béatifié en 1622 puis canonisé et proclamé docteur de l’Eglise en 1931. Il reçoit le titre de docteur universel. De 1244 à 1248 il entreprend l’écriture d’une vaste encyclopédie de la connaissance scientifique et philosophie de son époque sur la base de la philosophie aristotélicienne. Il introduit dans les universités d’Europe les sciences grecques et arabes. Avant S. Thomas d’Aquin et dans le sillage de Pierre Abélard, c’est lui qui contribue à baptiser Aristote en théologie alors que sa lecture en était interdite par l’Eglise. Il veut rendre accessible aux latins toute l’œuvre des diverses disciplines enseignées par Aristote. Ses écrits de commentaire de Denys l’Aréopagite ont eu une influence importante sur un autre dominicain célèbre, le mystique Maître Eckhart. Mais il laisse comme modèle une somme de théologie qui inspirera son plus fidèle disciple, le docteur angélique S. Thomas d’Aquin. S. Albert est le saint patron des scientifiques et des savants. A ce titre, il convient de réaliser que son travail encyclopédique à partir d’Aristote a été de proposer une grande classification des créatures. Dans son De animalibus, il opère le classement de toute la faune d’Europe du Nord connue de son temps. C’est un traité de vingt-six volumes. Il fait de même avec les minéraux et les végétaux. Cet œuvre a tellement marqué l’histoire de la classification que l’on a même nommé des espèces d’êtres vivants du nom d’Albertimagni en son honneur : une bactérie, un crustacé, un brachiopode fossile et une plante également. Il faut s’arrêter sur ce point qui est capital dans le registre de cette chronique. En effet, les historiens de l’écologie n’hésitent pas à identifier S. Thomas d’Aquin comme une étape importante de l’origine de la pensée écologique : il a su proposer, dans une veine aristotélicienne la vision d’un cosmos organisé rationnellement et harmonieux. C’est sur cette base qu’une étude rationnelle de la nature comme ensemble de systèmes est possible ! De plus parmi les pères de l’écologie il se trouve aussi Carl Linné qui a développé le concept et la discipline de l’économie de la nature. Pour Linné cette discipline consistait essentiellement à … classer les êtres vivants. Or le modèle et le père de cette activité classificatoire que l’on appelle taxonomie, n’est autre qu’Aristote et le but de l’économie de la nature selon Linné est d’étudier la sage disposition des êtres créés par Dieu et leur liens d’actions mutuelles et réciproques, selon l’inspiration de la vision thomiste de l’ordre de la nature. Enfin pour Ernst Haeckel le créateur du mot « écologie », cette dernière est la continuation de l’ancienne économie de la nature quoique substantiellement modifiée. Alors permettez-moi de voir en Albert le Grand un autre précurseur de la pensée écologique par la pratique de l’économie de la nature et le travail de classification qu’il a opéré dans les règnes animaux, végétaux et minéraux. Sur le plan de l’organisation de la connaissance on peut aussi y trouver une source d’inspiration pour la mise en œuvre de l’écologie intégrale. Il voulait avoir une approche organique de la totalité du savoir humain, c’est-à-dire dans la compréhension des articulations que les disciplines pouvaient avoir entre elles, de la zoologie à la théologie en passant par les différentes formes de la philosophie. Les spécialistes rapportent qu’il s’est intéressé à l’alchimie qu’il a pratiquée, et à la magie qu’il a lue dans les textes grecques et arabes. Il faut bien comprendre qu’à son époque il n’y avait pas encore les distinctions entre ce qui était scientifique au sens moderne du terme et ce qui ne l’était pas. C’est juste que l’alchimie faisait partie de la culture scientifique de son époque, il en allait de même des différences entre la théologie, la philosophie et la mystique : les frontières étaient très poreuses, et elles étaient justement ancrée dans la personne. Avant le rationalisme, qui est une pure quête intellectuelle, la quête de la connaissance relève de toutes les dimensions de la personne, et concerne aussi la sensibilité, le corps les émotions et la vie spirituelle comme un tout organique. C’est ce que vise à retrouver l’écologie intégrale dans l’approche interdisciplinaire qu’elle prône dans le domaine de l’enseignement et notamment l’enseignement universitaire. C’est même la mise en œuvre de ce principe énoncé dans Laudato si’ : « le tout est supérieur à la partie ».
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