Chronique d’écologie intégrale du samedi 27 Janvier 2024, Fête de la présentation de Jésus au temple
C’est au ve siècle que le pape Gélase remplace le rite païen des lupercales qui est une fête de purification, par une célébration chrétienne, le 2 février, la Chandeleur ou fête des chandelles. On y commémore, quarante jours après Noël, le rite hébraïque de la présentation du premier né de sexe masculin à Dieu de Joseph et de Marie, en l’occurrence, Jésus. En occident, on portait des torches en procession, signe de lumière. De nos jours, on bénit les cierges pour rappeler que Jésus est lumière du monde en référence au cantique de Syméon : « Lumière révélée aux nations. » Ce n’est qu’en 1372 que cette fête sera officiellement associée à la purification de la Vierge, c’est-à-dire, le retour du cycle menstruel qui redonne sa pureté rituelle à la femme qui a donné naissance. Il y a donc deux aspects de ce rite à prendre en compte : la présentation du premier né et la purification de la jeune maman. Regardons d’abord le premier volet, à savoir la présentation de Jésus. Le texte dit que tout enfant mâle premier né doit être offert à Dieu et racheté par un sacrifice animal. Comme Marie et Joseph sont de condition modeste, l’offrande d’un couple de tourterelles suffit à l’affaire. Mais le texte ne dit pas que ce rite doit nécessairement se faire au temple de Jérusalem. Alors pourquoi s’opère-t-il au temple dans le cas de Jésus ? La tradition nous apprend que c’est effectivement la règle pour les familles sacerdotales. Or Jésus, par Joseph, appartient à la tribu de Juda, donc il devrait ne pas être soumis à cette coutume. Oui, mais par Marie ? Que sait-on de sa famille et de sa tribu ? De manière explicite pas grand-chose. L’évangéliste saint Luc nous indique dans les évangiles de l’enfance que Marie est la cousine d’une certaine Elizabeth qui est mariée à Zacharie qui est lui-même… un prêtre du temple – de la tribu de Levi, donc. Or dans cette tribu on ne se mariait pas trop à l’extérieur… On peut en conclure que Elizabeth faisait partie de la tribu de Lévi et par conséquent, Marie aussi. Par sa Mère, Jésus pourrait être un Lévite, et comme tous les premiers-nés mâles de cette tribu, Jésus est présenté au temple. Jésus est prêtre par sa mère. Le sacerdoce appartient donc à l’identité de Jésus vrai Dieu et vrai homme. La fonction du prêtre est l’offrande du sacrifice. Jésus sur la croix est lui-même le prêtre, l’offrande et l’autel du sacrifice. Tout homme est créé à l’image de Dieu. Jésus est l’image parfaite de son père. Il est aussi l’homme parfait, celui que tout chrétien est appelé à imiter. Tout chrétien est configuré au Christ prêtre, prophète et roi. Dans la création la créature humaine est donc prêtre, c’est-à-dire qu’elle offre la création tout entière à Dieu dans le sacrifice de louange, dans la prière et surtout dans l’eucharistie. A l’image du Christ bon pasteur elle a pour mission d’amener toute la création à Dieu en vue de la communion universelle. C’est cela être gardien de la maison commune : permettre à la création tout entière d’accomplir sa fin qui est d’être unie à Dieu. Regardons maintenant Marie et regardons le sens de cet événement pour elle. Depuis 1372 l’Eglise enseigne que cette fête est aussi le moment des relevailles, c’est-à-dire de la purification de Marie quarante jours après l’accouchement. En quel sens peut-on dire que Marie était impure depuis le jour de la naissance de Jésus ? L’accouchement rend-il impur du fait de toutes les pertes de sang, et parce que l’accouchement ce n’est vraiment pas propre comme phénomène biologique ? Non, rien à voir. Au bout de quarante jours on estime que le cycle menstruel des règles est revenu… C’est le retour du cycle normal de la vie d’une femme tel qu’il est prévu par les lois de la création. Or ce qui est prévu par les lois de la création est pur. Les phénomènes ou les êtres qui n’entrent pas dans ces normes de la création sont déclarés impurs. Non pas parce que c’est sale, mais il faut bien comprendre que ce qui est impur est ce qui menace la création du retour au chaos. Seuls les animaux purs peuvent être offerts en sacrifice au temple. Seuls les croyants purifiés rituellement peuvent accomplir les rites du judaïsme. C’est ce qu’on appelle la cacheroute. Seule la nourriture pure, et donc casher peut être consommée par les hébreux. Il en va de même pour les prêtres au sanctuaire comme le dit la première lecture du jour de la fête, je cite : « : [Dieu] purifiera les fils de Lévi, il les affinera comme l’or et l’argent ; ainsi pourront-ils, aux yeux du Seigneur, présenter l’offrande en toute justice. » (Ml 3,3) Or être pur c’est à être à sa place dans la création, c’est le contraire du chaos, de la démesure et de l’hubris. Dieu crée des limites après avoir tiré les créatures du tohu bohu, du chaos initial. La crainte des juifs pieux est donc de se situer en dehors de ces limites fixées par Dieu dans la création. La rupture de ces limites correspond à une impureté qui met en danger la création par le retour au chaos. La crise écologique est bien le signe d’un certain nombre de franchissement des limites planétaires qui font que le chaos revient en force et menace les conditions de l’existence de la vie humaine. De la même manière que Marie retrouve sa place parmi les créatures par le rite de la présentation au temple, l’enjeu de l’écologie intégrale est de retrouver le sens des limites de la création.
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