Chronique d’écologie intégrale du samedi 24 Février 2024, Mémoire f. de S. Grégoire de Narek, prêtre et docteur de l’Église
Saint Grégoire de Narek fêté le 27 février est né entre 945 et 951 dans la région d’Andzévatsiats, dans la province du Vaspourakan en Arménie historique. Il fut éduqué par son père, l’évêque Khosrov Andzévatsi qui composa lui-même d’importants ouvrages théologiques. Mais après l’ordination épiscopal de son père qui était veuf, il fut confié à son oncle, Anania Narékatsi, qui dirigeait alors le monastère de Narek actuellement situé en territoire turque. S. Grégoire y passa toute sa vie. Il y devint prêtre en 977, et enseignant. Il vécut à l’une des rares périodes relativement paisibles de l’histoire de l’Arménie. Il meurt, encore à Narek, en 1003 ou aux environs de l’an 1010. Un mausolée lui fut consacré, toujours à Narek, mais il fut détruit lors du génocide arménien. Le 12 avril 2015, le pape François le proclama officiellement docteur de l’Église à l’occasion du centième anniversaire du génocide arménien. Saint Grégoire devient ainsi le trente-sixième docteur de l’Église et le second à provenir d’une Église orientale après S. Éphrem le Syrien, en 1920. Dans le décret de son doctorat on peur lire, je cite : « Il était un excellent théologien, poète et écrivain religieux et ses œuvres comprennent un commentaire du Cantique des Cantiques, de nombreux panégyriques et un recueil de 95 prières sous forme poétique appelé «Narek» du nom du monastère où il a passé toute sa vie. Des éléments importants de la mariologie se retrouvent dans sa théologie, notamment la préfiguration du dogme de l’Immaculée Conception, proclamé plus de huit cents ans plus tard[1]. » Pour de nombreux commentateurs, il représente, à lui tout seul, la « Renaissance arménienne ». Actuellement encore, ses Élégies sacrées où s’exprime son expérience mystique, constituent le principal livre de prière de l’Église arménienne. Reconnus par tous les Arméniens comme un grand mystique. Ses textes sont considérés comme de véritables « conversations avec Dieu venues des profondeurs du cœur ». Son œuvre maîtresse est un volume de cinq cents pages intitulé le Livre des Lamentations (1002). Les familles arméniennes tenaient à posséder un exemplaire ce livre. Il faisait l’objet d’une vénération presque égale à celle des Évangiles. On se représente ainsi la place qu’occupe encore ce grand saint oriental dans la conscience collective des Arméniens. Les critiques littéraires s’accordent donc pour dire qu’il est un des monuments de la poésie arméniennes et ses écrits sont abondamment étudiés. C’est dans ce langage qu’il a pu exprimer son expérience mystique quand la rationalité théologique lui faisait défaut. Le genre poétique est donc porteur en lui-même de sens et de rationalité pour l’expression d’une expérience intime aussi puissante. Ce point peut être situé au cœur du tétraèdre de l’écologie intégrale comme faisant travailler tant la relation à Dieu que la relation à soi-même. En effet pour être capable de transmettre une expérience mystique, il faut faire un gros travail de relecture personnelle, et d’interprétation de ce qui a été vécu. Le langage poétique, loin de s’improviser est le signal de cet effort d’interprétation en butte avec les limites des mots et du langage ordinaire afin de les dépasser. On peut dire aussi que la réception des travaux de S. Grégoire de Narek illustre un aspect très important de l’écologie intégrale en tant que sa poésie exprime la clameur d’un peuple, à savoir du peuple arménien. Le pape François a voulu mettre en avant que par la poésie, en particulier du peuple amazonien, il était possible d’entendre tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres car cette clameur est porteuse d’une Parole de Dieu. C’est pour cela que le peuple arménien se reconnaît tant dans cette œuvre poétique de S. Grégoire, elle est porteuse de son essence créée, de son identité la plus profonde. En ces temps où le peuple arménien a de la peine à faire reconnaître ses droits comme peuple opprimé, il trouve en ce docteur de l’Eglise un porte-parole de stature. Parmi les éléments qui font de ce saint moine un docteur de l’Eglise il y a son anticipation de huit siècle du dogme de l’immaculée conception. C’est justement dans une prière adressée à la Vierge que l’on trouve une rare mention de la création dans ses écrits. « A présent (…) c’est toi que je supplie, Sainte Mère de Dieu. Ange issu des hommes, Chérubin revêtu d’une chair visible, […] immaculée telle une fidèle image de l’Etoile du matin au plus haut point de son essor. […] Le Fils unique du Père est devenu ton Premier-né, ton fils par la naissance et ton Seigneur par la création[2]. » Marie est inscrite parmi les créatures, mais elle en est la représentante choisie par Dieu préparée tant par lui que par la création tout entière pour l’accueil du Verbe incarné. Je note cette expression du moine que je ne connaissais pas : « ton Seigneur par la création ». Le fait d’être créé par le Verbe divin, fait de Jésus déjà notre Seigneur.
[1] https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2021-02/gregoire-narek-jean-d-avila-hildegarde-bingen-saint-memoire-pape.html.
[2] Grégoire de Narek, Le livre de prières, Isaac Kéchichian (éd.), Paris, Cerf, Collection « Sources chrétiennes » 78, [1961] 2000², p. 428.
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