Chronique d’écologie intégrale du samedi 13 Janvier 2024, Mémoire obligatoire de S. Antoine le Grand, abbé
Ne dit-on pas souvent que la vie religieuse ça conserve ! Bon nombre de nos frères et sœurs consacrés arrivent à un âge très avancé, plus que la moyenne des mortels. Eh bien cela est aussi vrai, si les dates sont bonnes, pour le fondateur du monachisme cénobitique, saint Antoine le Grand qui vécut 105 ans, et c’est précis, entre le 12 janvier 251 et le 17 janvier 356. Il a pourtant rejoint le désert égyptien avant ses vingt ans pour se former à l’érémitisme. Antoine au désert fait l’expérience du combat spirituel devant lutter contre de multiples tentations. La réputation de sa sainteté se répand et attire de nombreux candidats à la vie monastique. Et par le fait même c’est le monachisme communautaire, ou cénobitique qui se constitue ainsi. C’est à travers la vie de prière et la communion fraternelle qu’Antoine pense amener ses disciples à la sainteté. Cette initiative lui valut par la suite le titre de « Père du cénobitisme ». En 311, il va séjourner à Alexandrie pour aider les chrétiens dans leur épreuve face à aux persécutions et lutter contre l’arianisme. On nous dit qu’il y retourne même en 354, c’est-à-dire deux ans avant sa mort à 103 ans ! C’est à cette occasion qu’il rencontra S. Athanase d’Alexandrie, un père de l’église d’une grande importance qui écrit la biographie d’Antoine en 360. Il insiste sur la manière dont la parole de Dieu a dicté la conduite et la vocation d’Antoine. En effet voilà qu’il entendit un beau jour l’évangile du « Jeune homme riche » qu’il décide de vendre tous ses biens et les donner aux pauvres pour se mettre à la suite du Christ. Voici qu’il entend qu’il n’a pas à se soucier du lendemain qu’il se débarrasse de tout ce qui lui reste tout en plaçant sa sœur dans une communauté de vierges. Athanase rapporte enfin qu’Antoine, je cite : « travaillait-il de ses mains, car il avait entendu cette parole : “Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus” (2 The 3, 10). Il achetait son pain avec une part de ce qu’il gagnait et il distribuait le reste aux indigents[1]. » Cela signifie qu’il ne gardait pour lui que ce qui lui était nécessaire pour vivre. On le voit bien, notamment avec la radicalité de l’évangile du jeune homme riche, les textes de la parole de Dieu qui configurent sa vie sont un signe de ce que l’attachement aux biens matériels est une entrave à la vie donnée à Dieu, ou plus simplement au fait d’être disciple du Christ. Ces trois textes sont très significatifs de ce que la Parole de Dieu indique clairement que le choix de la pauvreté, ou dirions-nous aujourd’hui de la sobriété, est le chemin de vie par excellence pour poursuivre un projet de sainteté. En ce sens il ressemble fortement à saint François d’Assise qui instituera un mode de vie un peu différents à 900 ans de distance, mais basé sur les mêmes principes de rejet de la dépendance aux biens matériels. On peut rajouter que ce modèle de sainteté n’est pas réservé à une élite qui souhaite se retirer dans le désert ou en clôture ; il est destiné à tous, en particulier en ces temps de crise écologique qui sont les nôtres. En effet, c’est bien un rapport faussé avec les créatures basé sur la possession et l’instrumentalisation des biens de la création qui est à l’origine de la crise écologique. Le message de saint Antoine fondé sur le désir de la pauvreté pour vivre une vie bonne à la suite du Christ est un message prophétique d’une actualité brûlante dans la recherche de solution durable et dans la constitution de mode de vie respectueux de la Maison commune. Le témoignage de Saint Antoine de Grand est donc celui du combat spirituel. Cela signifie que la réalisation de sa vocation n’a ni été simple ni de tout repos. C’est pourquoi la première lecture de la messe du jour, tirée de l’épitre aux Ephésiens, nous rappelle que la vie chrétienne est parfois un combat qui nécessite de rassembler l’équipement de Dieu « pour résister et tenir bon » (Ep 4, 13). Je vous propose la version écologique de cet équipement : « Revêtez l’équipement du combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable, et résister aux assauts du paradigme technocratique consumériste. Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes et qui défigurent tant l’humanité que la planète par la culture du déchet. Pour cela, prenez l’équipement du combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister au paradigme technocratique productiviste et consumériste et ses agents quand viendra le jour du malheur et de l’effondrement, et tout mettre en œuvre pour tenir bon afin d’accomplir votre vocation de bon gardien de la maison commune. Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité pour faire briller la bonne nouvelle de la création à la face du monde, portant la cuirasse de la justice pour la poursuite et la construction du bien commun de la maison commune, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’évangile de la paix entre toutes les créatures et avec toute la création, c’est-à-dire l’écologie intégrale, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre les flèches enflammées de ceux qui détruisent la terre sous le sceau du paradigme technocratique. Prenez le casque du salut de toute la création et le glaive de l’Esprit Saint Créateur, c’est-à-dire la parole de Dieu[2]. » Mais le plus important dans cette quête de la sobriété selon les principes de l’écologie intégrale, est de se rappeler que nous ne menons pas seul ce combat ainsi que nous le rappelle le psaume de ce jour, je cite « Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ; il est à ma droite : je suis inébranlable. (Ps 15, 8) »
[1] Athanase d’Alexandrie, Vie de Saint Antoine,
[2] Fabien Revol, « Chevalerie et écologie intégrale », Militia Christi 199, 2022, p. 12.
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