Chronique d’écologie intégrale du samedi 10 Février 2024, Mémoire obligatoire de Sainte Scholastique, vierge
De sainte Scholastique, la sœur jumelle de saint Benoît, fêtée le 10 février, on ne sait pas grand-chose sinon ce que saint Grégoire le Grand en dit dans ses dialogues. On sait qu’elle venait voir son illustre frère une fois par an, à la porte du monastère pour jaser avec lui des biens du Salut accordés par le Seigneur. Née vers 480 elle rejoint saint Benoît au Mont Cassin vers 520 dans le désir de se consacrer à Dieu. Suivant la règle de saint Benoît elle participe donc de la fondation de la vie bénédictine féminine. Son témoignage est intéressant car dans sa biographie rapportée par S. Grégoire le Grand, il est question de son rapport à Dieu, bien, sûr mais aussi avec les éléments de la création. L’anecdote bien connue est la suivante. Voici qu’elle vient au monastère pour sa visite annuelle à son frère. Il est tard, est après une longue journée elle exprime le souhait de pouvoir rester auprès de son frère pour la nuit et prolonger leurs pieux dialogues. Son frère refuse, car cela impliquerait de sortir du monastère, et Scholastique ne peut de son côté y mettre les pieds. Scholastique se met en prière et se voit exaucée par le Seigneur qui déclenche un violent orage de circonstance empêchant la sainte femme de retourner dans sa communauté et saint Benoît de faire de même ! « Les éclairs et le tonnerre éclatèrent avec une telle force, un tel déluge se mit à tomber, que ni le vénérable Benoît ni les frères qui l’accompagnaient ne purent faire un pas hors de l’endroit où ils étaient réunis. » La leçon d’écologie intégrale est limpide : celui qui ajuste sa relation à Dieu ajuste sa relation aux créatures. Dans son état de sainteté Scholastique voit les éléments de la création répondre à son besoin. Elle est si ajustée à Dieu que les créatures reconnaissent en elle une véritable sœur anticipant sur la relation qu’aura quelques siècles plus tard saint François d’Assise avec les animaux. L’histoire rapporte que la sainte décède trois jours plus tard. Saint Benoît a vu son âme s’élever vers Dieu sous la forme d’une colombe. Quant à lui il meurt quelques semaines plus tard et les jumeaux sont enterrés côte à côte au monastère du Mont Cassin. La vie monastique selon la règle de saint Benoît est une prédisposition à la vie fraternelle avec les créatures. La vertu de tempérance est régulatrice de la vie bénédictine qui évite les excès de toutes formes, notamment dans le rapport avec les créatures peuplant l’environnement du monastère. Le sens de la mesure en toutes choses qui découle de cette vertu est un maître mot de la règle de saint Benoît. La relation aux biens matériels s’en trouve donc régulée dans le sens d’un rapport sobre qui découle de la reconnaissance des besoins réels pour vivre une vie bonne, c’est dire sans manque, mais jamais dans l’excès. Je ne suis donc pas étonné de voir les éléments de la nature s’empresser de répondre aux besoins de sainte Scolastique tant sa demande à Dieu est juste et ajustée. Saint Grégoire le Grand explique même que la sainte est celle des deux qui a le plus aimé et Dieu s’est laissé vaincre par l’amour. « Il n’est pas étonnant [dit saint Grégoire] qu’une femme l’ait emporté sur lui car, selon la parole de saint Jean, Dieu est amour, et par un juste jugement, celle qui a aimé davantage a été la plus puissante. » Aux sources de la vie religieuse chrétienne, il est peut-être intéressant de méditer sur le sens des vœux qui fondent l’engagement et la profession religieuse. Ces vœux concernent l’observance des conseils évangéliques que sont l’obéissance, la pauvreté et la chasteté. La tradition spirituelle indique que l’observance de ces vœux est le témoignage de ce que le religieux célibataire (littéralement « l’habitant des cieux ») anticipe dans sa vie terrestre l’état de vie des bienheureux. Un religieux est donc censé vivre comme un ressuscité présent au paradis. Or la vie au paradis est aussi marquée par la vie dans la création nouvelle, c’est-à-dire la création ancienne glorifiée par la vie divine. C’est aussi une création réconciliée, par le sang de la croix du Christ, dans laquelle toutes les créatures de la création nouvelle vivent dans une parfaite et paisible harmonie selon les prophéties du livre d’Isaïe : « Le loup et l’agneau auront même pâture, le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage ; le serpent, lui, se nourrira de poussière. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte » (Is 65, 26). Cette mémoire de sainte Scholastique est l’occasion de réfléchir sur le sens que peut prendre la vie religieuse dans la perspective de l’écologie intégrale en particulier dans un contexte de crise écologique qui marque un état de rupture et même de guerre entre l’être humain et les créatures peuplant la maison commune. Une guerre dans laquelle les éléments de la création se retournent et se rebellent contre celui qui leur fait subir une oppression insoutenable du fait du paradigme technocratique qui organise et régule la vie sociale, politique et économique de notre monde. La vie religieuse tient une occasion unique, un kairos pour vivre jusqu’au bout la vocation de témoin de la vie dans la création nouvelle en adoptant un mode de vie réconcilié avec les créatures, dans l’harmonie du tétraèdre de l’écologie intégrale. Cet ajustement sera donc la source de ce que les éléments leur obéiront peut-être à l’exemple de la sainteté communicative de sainte Scholastique.
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