Chronique d’écologie intégrale du samedi 06 Janvier 2024, Mémoire facultative de S. Hilaire de Poitiers, évêque et docteur de l’Eglise
Cette période de l’année est riche en mémoires des Pères de l’Eglise qui ont joué un rôle déterminant au IVe siècle pour la défense de la foi en la sainte Trinité face à l’hérésie arienne, celle qui niait la divinité du Christ. Le 13 janvier, nous fêtons cette fois S. Hilaire de Poitiers qui fit la jonction entre les traditions occidentale et orientale de la théologie trinitaire. Hilaire naquit à Poitiers vers 320 dans une famille aisée qui, quoique païenne lui permit de faire des études classiques très poussées dans différents domaines de la science. Mais sa quête de connaissance l’amena à celle du vrai Dieu avant de recevoir le Baptême. Il devint évêque de Poitiers en 350. Il lutta tant et si bien contre l’hérésie qu’il fut exilé en Phrygie par les évêques gaulois ariens rassemblés au concile de Bézier en 356. Il en profita pour rencontrer la tradition grecque orientale de la théologie chrétienne, ce qui lui permet d’écrire ses douze livres sur la Trinité. Là-bas, il fut tellement perturbateur que les évêques ariens locaux en eurent marre de lui et obtinrent de l’empereur, lui-même arien qu’il soit renvoyé… en Gaules, en 359, retour à l’envoyeur. Il reprend le travail d’évangélisation où il l’avait laissé. Il aida S. Martin de Tours à fonder son monastère de Ligugé avant de mourir en 368. Il fut proclamé docteur de l’Eglise en 1851 par le pape Pie ix. Le pape Benoît xvi a inclus S. Hilaire dans sa catéchèse sur les pères de l’Eglise le 10 octobre 2007. Voici ce qu’il veut que l’on retienne de lui, je cite : « Hilaire trouve le point de départ de sa réflexion théologique dans la foi baptismale[1]. » C’est dans la pratique du Baptême enseignée par Jésus que se trouve la réponse aux Ariens niant la divinité du Christ. S. Hilaire écrit en effet que Jésus « a commandé de baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit (cf. Mt 28, 19) » (De Trinitate 2, 1). Cette profession de foi encadre l’enseignement du pape François dans Laudato si’ quand ce dernier nous invite à nous recentrer sur l’action créatrice réalisée par la Trinité tout entière. Ce point montre une chose importante, l’écologie intégrale n’est pas une nouveauté qui sort de la tiare du pape François. Elle s’inscrit résolument dans la Tradition théologique multimillénaire de l’Eglise et correspond bien à l’état d’esprit des Pères de l’Eglise aux prises avec les questions doctrinales de leur temps. A titre d’illustration, voici un extrait d’une prière de saint Hilaire de Poitiers. L’évêque invoque les secours de l’Esprit Saint alors qu’il est lui-même plongé dans la rédaction de son traité sur la Trinité : « Accorde-nous donc le sens exact des mots, la lumière de l’intelligence, la noblesse du langage, l’orthodoxie de la foi ; ce que nous croyons, accorde-nous de l’affirmer aussi. C’est-à-dire, puisque nous connaissons par les prophètes et les Apôtres un seul Dieu, toi, le Père, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, qu’il nous soit donné aujourd’hui, […] de prêcher ce Dieu sans commettre d’erreur[2]. » Cette prière est conforme à l’inspiration du pape François dans l’élaboration des principes directeurs de l’annonce de l’Evangile dans Evangelii Gaudium (41) on en retrouve l’intention, je cite : « dans le dépôt de la doctrine chrétienne « une chose est la substance […] et une autre la manière de formuler son expression ». […] Rappelons-nous que « l’expression de la vérité peut avoir des formes multiples, et la rénovation des formes d’expression devient nécessaire pour transmettre à l’homme d’aujourd’hui le message évangélique dans son sens immuable ». Soyons certains d’une chose, ces principes ont été mis en application dans l’encyclique Laudato si’ en vue de l’élaboration du paradigme de l’écologie intégrale, en particulier quand le pape se réfère à la Révélation concernant le mystère de la création au chapitre 2. Ici encore nous en avons un exemple pris dans l’œuvre de S. Hilaire qui fait d’ailleurs écho à un point que j’ai déjà soulevé la semaine dernière au sujet de S. Grégoire de Nazianze : la création reflète le Créateur. Hilaire est en effet un grand défenseur de la transcendance de Dieu par rapport à la création. Cela est déjà d’actualité quand de nombreuses personnes tendent à identifier Dieu avec le monde dans leur expérience spirituelle au contact de la nature. Or d’après Hilaire, il y a un abîme infranchissable entre le Créateur et la créature. Et qu’est-ce qui vient combler cet abîme ? C’est d’abord la Révélation en Jésus-Christ : à la lumière de la Révélation chrétienne, la connaissance de Dieu devient possible par la médiation du Verbe fait chair. Mais il y a aussi les créatures elles-mêmes. En effet, entre l’intelligence humaine, limitée par le fait d’être créée, et la Réalité divine, il y a les créatures qui agissent comme le « miroir du Créateur ». La beauté que l’on voit dans la création est reflet de la beauté divine. Toute la multiplicité des concepts humains n’est pas sans rapport avec la multiplicité infinie des reflets du Créateur dans les créatures. Mais en même temps, Dieu n’est pas limité par ce que les créatures disent de lui. On connaîtra qu’Il dépasse infiniment tout ce que l’esprit humain peut percevoir de Lui à partir de l’image que lui en fournit le cosmos.
[1] Benoît xvi, « Audience générale, Mercredi 10 octobre 2007, Saint Hilaire de Poitiers », https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2007/documents/hf_ben-xvi_aud_20071010.html.
[2] Hilaire de Poitiers, Traité sur la Trinité, De Trinitate, PL 10, 49. Trad. d’après le texte de la liturgie des heures.
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