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Chronique d’écologie intégrale du vendredi 10 Janvier 2025, Mémoire facultative de S. Grégoire de Nysse, évêque
Il faut attendre le 10 janvier pour fêter la mémoire de S. Grégoire de Nysse, lui qui est le frère cadet de S. Basile le grand que nous avons fêté le 2 janvier. Il est né en 332. Comme S. Basile, il fut rhéteur, et il suit ses amis au monastère en 362. Dix ans plus tard il fut élu évêque de Nysse (N-Y-2S-E), non-loin de Césarée, puis archevêque de Sébaste. Avec son frère et avec S. Grégoire de Nazianze, aussi fêté le 2 janvier, nous fêtons le troisième des grands évêques et Pères cappadociens du ive siècle. Pour rappel dans cette famille chrétienne, en plus de son frère S. Basile nous pouvions aussi compter : son grand-Père qui est mort martyr ; sa grand-mère S. Macrine l’Ancienne ; son père S. Basile l’Ancien ; sa mère est S. Eumélie, sa sœur, sainte Macrine la jeune, dont Grégoire fut le biographe, et son autre frère également évêque, S. Pierre de Sébaste. Il participa au concile de Constantinople en 381 et y représenta la pensée de son frère sur la divinité du S. Esprit. Il y est reconnu comme « colonne de l’orthodoxie ». Il laissa derrière lui une œuvre considérable comme des commentaires de l’Ecriture notamment avec son ouvrage La création de l’homme, et une synthèse dogmatique avec sa Grande catéchèse, comme son frère et son ami, il a écrit son contre Eunome. Il mourut en 395. Nous trouvons chez lui encore des éléments pertinents pour alimenter le champ de la Bonne nouvelle de la création inauguré par le pape François dans Laudato si’. Dans La Création de l’homme, S. Grégoire déclare : « la puissance divine improvise pour ainsi dire la création[1] ». C’est un aspect de la bonne nouvelle de la création qui permet de rendre compte de la dimension foisonnante de la nature et de la biodiversité aujourd’hui. Improvisation signifie créativité spontanée, en particulier pour une œuvre d’art. Or la création est l’œuvre d’art de l’artiste suprême qu’est Dieu. Grand théologien il est aussi grand mystique, c’est-à-dire qu’il fait l’expérience intime et intense de Dieu dans son âme et dans son cœur. C’est à cause de cette expérience de la présence de Dieu en lui qu’il est un grand penseur de la transcendance de Dieu, le fait qu’il soit le tout autre, et même : l’impensable, car son essence échappe à tout ce qui peut être pensé par la raison humaine. Face aux hérésies gnostiques et panthéistes de son époque, la subtile pensée de S. Grégoire de Nysse trouve une voie pour penser la différence entre Dieu et la création, tout en trouvant une formule pour dire que la création vient de Dieu. Ce qui est une piste intéressante pour nous aujourd’hui en spiritualité de l’écologie. Si la création était une émanation de Dieu alors on pourrait dire qu’elle serait une extension de la substance divine et ce ne serait pas correcte. Dans ce cas la matière serait divine et tout serait Dieu. C’est du panthéisme. Si la création en revanche émane de la puissance divine et non de sa nature alors la création est autre que Dieu. L’astuce de Grégoire est de dire que la matière vient de Dieu dans le sens qu’il est en sa puissance de la faire naître. L’émanation est à comprendre comme un acte de puissance et non de dérivation de nature. Cela amène alors une conséquence étonnante qui est de reconsidérer le néant duquel est tiré la création. L’association de la création ex nihilo avec une création comme émanation de la puissance de Dieu conduit à penser que le néant est identifié à Dieu. Traditionnellement, le rien est associé à la non-existence et la non-existence est pour S. Grégoire ce qui n’a pas de forme intelligible et donc ne peut être connaissable. Or Dieu, en lui-même n’est pas accessible à l’intelligence humaine, son essence n’est pas intelligible en elle-même, c’est en ce sens qu’elle n’existe pas et par extension peut être comprise comme « rien ». Grégoire de Nysse parle alors de néant de suréminence. C’est un néant suressentiel qui trouve sa meilleure expression dans le fait que Dieu est le Bien suprême. Paradoxalement, dire que Dieu crée à partir de rien, c’est dire qu’il crée à partir de lui-même qui est la suprême bonté, une réalité qui n’est rien de ce que l’esprit humain peut saisir et comprendre. C’est une bonne nouvelle de la création que la création célèbre également. Une prière attribuée à S. Grégoire de Nazianze exprime le mieux ce rapport de louange non-verbale à la transcendance du Dieu créateur. Terminons avec elle : « Ô Toi l’au-delà de tout, comment t’appeler d’un autre nom ? Quelle hymne peut te chanter ? […] Tous les êtres te célèbrent, ceux qui parlent et ceux qui sont muets. Tous les êtres te rendent hommage, ceux qui pensent comme ceux qui ne pensent pas. L’universel désir, le gémissement de tous aspire vers toi. Tout ce qui existe te prie et vers toi tout être qui sait lire ton univers fait monter un hymne de silence. Tout ce qui demeure, demeure en toi seul. Le mouvement de l’univers déferle en toi. De tous les êtres tu es la fin, tu es unique. »
[1] . S. Grégoire de Nysse, La création de l’homme, Paris, Cerf, 1944, SC 6, 133 c, p. 92.
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