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Chronique d’écologie intégrale du 09 novembre 2025, Fête de la dédicace de la Basilique du Latran
Il est d’usage de célébrer la dédicace d’une Eglise, c’est-à-dire le jour où elle a été consacrée à Dieu après sa construction. La basilique de S. Jean de Latran, cathédrale du diocèse de Rome est semble-t-il la première église romaine à avoir été consacrée publiquement, ce que nous fêtons le 8 novembre. Souvent c’est la cathédrale de son diocèse, ou même l’église paroissiale, et cela reste donc une pratique locale. Mais avec S. Jean de Latran, tout le christianisme doit la célébrer. Construite en 320 par Constantin, elle fut dédicacée en 324 par le pape Sylvestre, au moment où il devenait possible de le faire sans subir les persécutions. C’est pourquoi de nombreuses églises le furent en cette période un peu euphorique de christianisme libéré et triomphant. Comme le pape est le chef de tous les catholiques, et que cette basilique est son église en tant qu’évêque de Rome, il semble donc justifié que tous les catholiques du monde célèbrent cette dédicace avec les romains. Symboliquement chaque Eglise représente la communauté qui y célèbre dans le rapport qui existe entre église comme bâtiment et Eglise comme communauté. En célébrant la cathédrale de Rome, toute la communauté chrétienne célèbre le mystère de l’unique Eglise du Christ, car la basilique du Latran est considérée comme « la Mère de toutes les églises de la ville et du monde », « Omnium Urbis et Orbis Ecclesiarum Mater et Caput ». La première lecture de la messe du jour est tirée du livre du prophète Ezéchiel, et il est proposé une grande allégorie de ce que produit une église pour le monde : d’elle coule une rivière d’eau vive. Sur ses berges tous les vivants viennent s’y épanouir et de désaltérer. Je cite : « En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. » C’est donc les métaphores écologiques du cours d’eau, et des écosystèmes de rivière qui servent à faire comprendre comment la grâce jaillit de l’Eglise qui est à la fois comprise comme lieu physique et comme communauté. L’autre choix de première lecture tirée de la première épitre de S. Paul aux Corinthiens établit un autre rapport qui est le suivant : « le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous ». L’église qui symbolise le lieu de la présence de Dieu est en fait chaque chrétien qui est le temple de l’Esprit. Cela permet de travailler à la relation à soi afin de ménager la plus belle demeure possible pour le Dieu qui vient l’habiter. Le lien avec la dédicace du temple de Jérusalem est fait par le verset de l’alléluia, un lien qui rapproche symboliquement les deux édifices que nous célébrons : l’unique lieu du culte juif à Jérusalem, et la mère des toutes les églises à Rome. Je cite : « J’ai choisi et consacré cette Maison, dit le Seigneur, afin que mon Nom y soit à jamais. » (2 Ch 7, 16) Et justement, c’est de ce temple dont il est question dans l’évangile du jour. On y voit Jésus en chasser les marchands avec vigueur et colère. On peut y voir une préfiguration de la critique du paradigme technocratique formulée par le pape François dans Laudato si’ en son Chapitre 3. Jésus fustige l’idolâtrie de l’argent, celle-ci s’oppose frontalement au propos évangélique valorisant la pauvreté. Faire de la maison de son Père un repère de brigands et de bandits a effectivement un côté complétement insupportable. Pourtant toutes ces fonctions étaient nécessaires au culte. Il me semble que la colère de Jésus se comprend encore mieux du point de vue de l’écologie intégrale si on pense à la composition générale de l’architecture du temple. C’est un résumé de la création. Chaque partie du temple représente symboliquement un aspect de la création. Cela signifie que c’est bien toute la création qui est convoquée pour la célébration de la liturgie au Dieu unique. La dimension prophétique de ce texte saute aux yeux. Le culte de l’argent rendu dans l’enceinte du temple représente vraiment pour nous le paradigme technocratique qui s’emploie à détruire la création, la maison commune, celle qui est habitée par le Père. La colère de Jésus au temple prend une dimension symbolique de ce que l’humanité fait subir à la création. Aujourd’hui le temple n’est plus… Mais ce sont nos églises qui récupèrent un certain nombre de ses prérogatives et de sa symbolique, notamment la dimension cosmique de l’architecture. Quand je fais visiter la cathédrale de Cahors aux parents qui préparent leurs enfants au baptême, je leur parle de la rencontre du ciel et de la terre dans la fusion des zones carrées (terrestres) et rondes (célestes), notamment au niveau du chœur. Pour nous aussi, une église est un résumé de la création qui est convoquée pour le culte du Dieu très haut et très présent, en nos cœurs certes, mais dans toute la création également. Ainsi la célébration de la dédicace d’une église, comme celle du Latran, c’est bien la fête de toute l’Eglise universelle certes, mais une église qui porte en elle toute la création.
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