Chronique d’écologie intégrale du samedi 4 Novembre 2023, 31ème dimanche du TO, Année A
En ce 31ème dimanche du temps ordinaire, je m’interroge sur l’actualité de ces paroles fortes du prophète Malachie : « À mon tour je vous ai méprisés, abaissés devant tout le peuple, puisque vous n’avez pas gardé mes chemins, mais agi avec partialité dans l’application de la Loi. » Quelle image de Dieu cela renvoie, un Dieu qui sanctionne et punit le sujet infidèle à l’alliance ? L’exil à Babylone a pu être interprété dans ce sens. Mais en ce qui nous concerne, je me demande souvent si la crise écologique ne relève pas du même registre, et ne serait pas comme une sorte de punition. Mais, dans cas, est-ce vraiment Dieu qui punit ? En effet ne pourrait-on pas penser que c’est la création-elle-même qui nous punit de notre infidélité ? voire, que nous nous punissons nous-même car la crise écologique n’est que la conséquence mécanique dans la nature de notre manque de respect pour la création du Seigneur ? La finale de la première lecture est non-moins déroutante : « Pourquoi nous trahir les uns les autres, profanant ainsi l’Alliance de nos pères ? » La crise écologique est le fruit d’une trahison multiple. Il s’agit du non-respect de nos frères et sœurs en humanité. En effet par nos actes destructeurs, nous dégradons les conditions d’existence de la famille humaine sur la terre. Il s’agit bien de la famille présente, en ce qui concerne les plus pauvres, mais aussi la famille à venir car nous hypothéquons la maison commune des générations futures. Nous trahissons dans le même mouvement l’alliance faite par nos Pères, en particulier Noé, avec Dieu. En effet, en Gn 9, Noé et toute sa famille concluent une alliance en descendant de l’arche. Ou plutôt devrais-je dire, c’est Dieu qui conclut une alliance avec Noé, sa famille et tous les êtres vivants qui descendent de l’arche. Le texte dit même, « avec toute la terre » ! Ce qui représente la création. Ainsi la crise écologique peut être comprise comme une protestation de la création contre la créature humaine qui ne respecte pas sa part dans cette alliance, dont la terre est elle-même partie prenante. Les textes de ce dimanche nous donnent-ils une piste pour résoudre ce gros problème ? Je crois bien que oui et on la trouve dès la première lecture. Malachie nous interpelle en effet en disant, je cite : « Et nous, n’avons-nous pas tous un seul Père ? N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ? » Le fait de remettre Dieu le Père créateur à sa place devrait ainsi ajuster notre relation à Dieu et par conséquent ajuster notre relation aux créatures. C’est d’ailleurs ce que rappelle le pape François dans Laudato si’, je cite : « La meilleure manière de mettre l’être humain à sa place, et de mettre fin à ses prétentions d’être un dominateur absolu de la terre, c’est de proposer la figure d’un Père créateur et unique maître du monde, parce qu’autrement l’être humain aura toujours tendance à vouloir imposer à la réalité ses propres lois et intérêts. » Ah ben là on comprend mieux le lien entre la première lecture et la crise écologique comme punition… C’est exactement le réflexe de Malachie ! : L’oubli de la figure du Dieu Père est la source de tous les désordres. Les autres lectures insistent ainsi sur la figure du Père. Le Ps nous propose alors une posture paradoxale pour nous positionner devant Dieu : « mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère. » La paternité de Dieu tout-puissant ne se comprend que si on intègre que Dieu use de sa puissance comme une mère pleine de tendresse. Et saint Paul enseigne que la mise en œuvre de l’amour du Père parmi les frères chrétiens se manifeste comme la tendresse d’une mère pour son petit bébé. On peut dire que l’enseignement paradoxale continue avec Jésus. Comme Malachie, il renvoie à la figure de son Père pour ancrer toute autorité. Il nous demande de référer toute autorité, même et surtout celle que l’on reçoit, à celle de son Père. Il nous explique que ça ne sert à rien de vouloir en retirer une gloire quelconque car le seul exercice de cette autorité qui convienne c’est… l’abaissement. Je cite le Seigneur : « le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. » Or le plus grand des plus grands est bien le Père, vouloir être grand comme lui c’est alors, s’abaisser comme le Christ. Saint Paul en Phi 2 nous donne à voir ce mouvement divin : Jésus s’est abaissé depuis le rang qui l’égalait à Dieu pour partager le statut de serviteur, de créature, jusqu’à vivre la mort la plus abjecte sur la croix. Et comme il s’est abaissé, Dieu l’a relevé et ressuscité. Jésus parle de ce qui va lui arriver et ce qui lui arrive est le modèle pour la vie chrétienne. La vie chrétienne inclut notamment le soin envers la maison commune. Ainsi, nous réajuster dans notre relation au Père nous permet d’entrer dans ses dispositions : la mise en œuvre de l’amour nous incite à imiter Jésus dans son abaissement afin d’exercer le vrai pouvoir, celui du service des plus pauvres, dont la planète fait partie.
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