Chronique d’écologie intégrale du samedi 17 Février 2024, Mémoire f. de S. Pierre Damien, évêque et docteur de l’Église
Saint Pierre Damien, fêté le 21 février, est né à Ravenne en 1007. Il est le petit dernier d’une famille nombreuse. Bien qu’abandonné et maltraité par ses parents, il est recueilli par son frère qui lui permet de faire des brillantes études et de connaître par la suite un immense succès auprès des auditeurs de ses prédications. Marqué par sa rencontre avec des ermites, il entre en religion vers 1035 chez les Camaldules, une famille bénédictine dont la vocation ressemble beaucoup à celle des Chartreux, mettant de fait l’accent sur la vie érémitique. Il entra ainsi à Fonte Avellane, dont il devint contre son gré le supérieur de communauté en 1043. Théologien engagé, il est reconnu pour ces écrits qui lui valent d’être ordonné évêque, élu comte, et dans la foulée, créé cardinal à Ostie, non loin de Rome en 1057. Il parcourt l’Italie et la France comme légat du pape. Il entre en outre en relation avec l’empereur Henri IV d’Allemagne. Engagé dans la réforme grégorienne, il lutte pour redresser les mœurs du clergé, et défendre la liberté de l’Eglise face aux pouvoirs temporels. Il fut l’un des meilleurs poètes de langue latine du Moyen-âge. Mais le plus spéculatif de ses traités est une lettre aux moines du mont Cassin Sur la toute-puissance divine[1]. Il meurt en 1072 à Faenza, au retour de mission laissant derrière lui une imposante œuvre théologique marquée par les polémiques de son temps sur le rôle de la dialectique dans la pratique de la théologie et des sciences sacrées. Il est canonisé en 1822 puis proclamé docteur de l’Eglise par le pape Léon XII, en 1828. S. Pierre Damien est disciple de l’ermite S. Romuald dont il écrit la vie. Il envisage la vocation du solitaire comme s’inscrivant dans les rythmes de la nature, en particulier en ce qui concerne la louange, je cite : « dans une marche parallèle à celle des étoiles. En psalmodiant, il s’élève intérieurement jusqu’à la lumière inaccessible et les astres accomplissant leur révolution, préparent la lumière du jour[2]. » C’est ainsi que la création et ses cycles naturels sont des préparation pratiques à l’accueil de la grâce qui est par analogie le vrai soleil et l’astre le plus puissant et le plus lumineux. Cet aspect de la vie religieuse de l’époque, tant dans la vie en monastère que dans la vie érémitique allait de soi car l’heure de l’office n’était pas paramétrée par la capacité à éclairer la chapelle par des ampoules électriques ou des LED basse consommation. C’est la lumière du soleil, et les bougies de cire d’abeilles qui devaient le permettre. Cela dit la lumière n’était même pas nécessaire car les moines connaissaient le psautier par cœur ce qui leur permettait de réciter l’office de nuit sous les étoiles. Il est clair que la vie moderne et ses facilités introduisirent une rupture dans nos capacités à nous joindre aux rythmes de la nature pour y caler nos temps de louange et de célébration. Cela nous a fait également perdre le sens de la louange de la création en fonction des heures et de la luminosité, mais aussi des saisons. C’est pourquoi il pourrait être intéressant de nos jours de renouer avec ces cycles dans l’esprit de l’écologie intégrale et en particulier de son principe « le temps est supérieur à l’espace », même s’il faut se lever plus tôt, se coucher plus tard, et aussi retrouver le sens de la saisonnalité dans le calendrier liturgique. Mais avec ce saint nous poursuivons la réflexion sur le rayonnement de la sainteté auprès des créatures, en particulier les animaux. Un épisode de la vie de Pierre Damien semble montrer qu’il avait une relation réconciliée avec les animaux, au point que ceux-ci s’approchaient de lui sans crainte ni menace. Et pour cause ! On rapporte en effet à son sujet l’anecdote suivante : alors qu’il visitait un confrère ermite qui vivait avec deux serpents dans sa grotte, je cite : « Quand il se prosterne jusqu’à terre pour réciter les litanies, les serpents s’enroulent doucement par jeu de chaque côté de sa tête ; bien loin de le mordre, ils lui rendent les hommages dévoués dus au maître de maison[3]. » On reconnaît ici la posture énoncée par Saint Isaac le Syrien dans ses Traités ascétiques, l’homme réconcilié avec Dieu est d’emblée réconcilié avec les créatures qui n’ont plus peur de lui. Je cite : « L’homme humble va vers les fauves meurtriers. Dès qu’ils le voient, leur sauvagerie s’apaise. Car ils sentent, venu de lui, ce parfum qu’exhalait Adam avant la chute, lorsqu’ils allèrent vers lui et qu’il leur donna des noms au Paradis[4]. » Puissions-nous tous, en ce carême commençant, travailler notre sainteté avec la grâce de Dieu, au point d’exhaler le parfum d’Adam au paradis et en embaumer la création reconnaissante.
[1] éd. Cantin, coll. « Sources chrétiennes », no 191, 1972.
[2] Pierre Damien, « Sur le “Dominus vobiscum” », in Du désert à l’action, Paris, Migne, Coll. « Les Pères dans la foi », 1992, p. 41-42.
[3] Pierre Damien, « Portraits d’ermites authentiques », in Du désert à l’action, op.cit., p. 117.
[4] Isaac le Syrien, Traités ascétiques.
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