Chronique d’écologie intégrale du samedi 16 Décembre 2023, mémoire facultative de S. Jean de Kenty, prêtre
Saint Jean de Kenty est un prêtre, théologien et philosophe polonais né à Kenty dans la région de Cracovie en 1390 et mort en 1473, la veille de Noël. Sa mémoire est célébrée le 23 décembre. D’origine paysanne, il put malgré tout, à l’âge de 23 ans, suivre des études à l’université de Cracovie jusqu’à obtenir deux doctorats, l’un en théologie et l’autre en philosophie. Tiens, ça me rappelle quelqu’un… Ordonné prêtre il fut envoyé d’abord comme curé dans un petit village, à cause de malversations jalouses à son encontre. Le gars était en effet plutôt brillant, ça ne plaît pas à tout le monde. Ce n’est qu’à l’âge de cinquante ans qu’il revient à la capitale pour devenir responsable des études bibliques. Il devient également curé à Cracovie en un temps où cette région d’Europe était divisée par les doctrines de Jean Hus à Prague, prolongées par l’œuvre, notamment militaire de Jean Ziska dans le premier quart du xve siècle. Son rayonnement fut tel qu’il devint également précepteur des enfants royaux de Pologne. Outre le fait prodigieux pour l’époque qu’il ait réalisé quatre pèlerinages à Rome et un à Jérusalem, décédant à l’âge avancé de quatre-vingt-trois ans, ce personnage me fascine à cause de la dimension bien complète de sa vie dans laquelle il a su conjuguer sa quête de vérité, avec la prière, l’enseignement, le soin des âmes et le soin des pauvres. En effet, on dit de lui qu’il n’hésitait pas à quitter la prière pour répondre aux sollicitations des plus démunis. Son goût pour le pèlerinage en fait un modèle de sainteté très contemporain alors que plus de la moitié des croyants de France et d’Europe ne se retrouvent plus dans les églises mais sur les chemins de randonnée en direction de Compostelle ou d’Assise. Mais c’est surtout sa posture d’enseignant qui m’interpelle. Voici les recommandations qu’il donnait à ses étudiants : « Combattez toutes les fausses opinions, mais que vos armes soient la patience, la douceur et l’amour. La dureté fait du mal à l’âme de celui qui la pratique et la violence gâche les meilleurs causes ». Même dans l’enseignement on peut être violent, or on pourrait penser que cette violence fait du mal aux enseignés ! pas du tout, enfin si certainement, mais S. Jean de Kenty interpelle le professeur pour lui dire qu’il est lui-même la première victime de cette violence. Même dans l’acte d’enseigner, on peut ainsi ajuster la relation à soi dans le tétraèdre de l’écologie intégrale. Allons encore plus loin dans cette veine. Le pape Clément xii qui l’a canonisé en 1767 dit de lui cette affirmation édifiante : « Il ajoutait l’humilité au respect avec lequel il traitait des choses divines. » Oui enseigner les choses divines, comme aujourd’hui l’écologie intégrale, requiert la posture fondamentale de l’humilité. Nous enseignons les vérités de celui qui nous dépasse, qui est plus grand que nous. En notre époque marquée par la crise écologique et je me dis que de telles vertus sont essentielles pour toute personne engagée en écologie intégrale. L’exemple laborieux des COP successives est bien le signal d’une réalité écrasante : les résistances à la protection de la planète son immenses dans notre société et même parfois dans nos églises. La voix du pape François sur l’écologie intégrale peine à se faire entendre, au sens fort du terme et à vraiment impacter les consciences. Les impatiences grandissent ainsi que le découragement dans les rangs de ceux qui promeuvent la doctrine sociale de l’Eglise portée par l’écologie intégrale. La tentation existe alors de s’énerver et d’employer des mesures moins paisibles, au nom de la foi en Jésus Christ et de ses conséquences en ce qui concerne nos relations avec la création. La perte de patience nous menace face à ceux de nos frères et sœurs qui mettent trop de temps à se convertir à la bonne nouvelle de la création et ce faisant défigure le visage du Christ. Nous serions bien tentés de mettre en œuvre cette parole du livre de l’Apocalypse (11, 18) : « Les nations s’étaient mises en colère ; alors, ta colère est venue et le temps de détruire ceux qui détruisent la terre. » Oui ce temps est venu, mais cela ne veut pas dire qu’il faut passer à l’acte. Ici on peut voir que dans sa manière d’enseigner la doctrine catholique, S. Jean de Kenty a pratiqué avant l’heure ce principe de l’écologie intégrale développé par le pape François : « L’unité prévaut sur le conflit » (LS 198). Il adoptait une posture de sobriété qui convient à l’enseignement des choses de la foi comme me le disait un de mes maîtres en faculté de théologie. Il pratiquait ainsi une imitation de Jésus Christ que nous rappelle encore le pape Clément XII : « Il ne se mettait jamais au-dessus des autres ». A l’image et à l’imitation du Christ il s’est abaissé. C’est une véritable posture d’écologie intégrale pour comprendre le sens des relations à vivre avec nos frères et sœurs en humanité, en particulier les plus pauvres, mais aussi dans la mission de la domination de la création. En effet l’analogie avec notre période peut continuer car, prendre soin de la terre, c’est prendre soin d’un pauvre en particulier, mais c’est également prendre soin des pauvres en général. Alors reprenons l’oraison de cette mémoire qui résume bien le projet pour nous aujourd’hui : « Accorde-nous, Dieu tout puissant, de progresser dans l’intelligence de ton mystère, à l’exemple de saint Jean de Kenty, et de trouver auprès de toi le pardon pour avoir pratiqué la charité envers tous. »
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