Chronique d’écologie intégrale du samedi 14 Octobre 2023, 28ème dimanche du TO, Année A
Aujourd’hui dans la deuxième lecture de ce dimanche saint Paul commence par dire : « je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. » Voici une proposition des plus inspirantes pour vivre et faire vivre la sobriété à laquelle l’écologie intégrale nous appelle aujourd’hui. Il y a plusieurs façons d’interpréter cette proposition. L’une est plus en cohérence avec le contexte de Paul, l’autre sera plus en cohérence avec le nôtre, dans un souci d’actualisation. La première chose à dire est que S. Paul est parfaitement libre par rapport aux biens matériels. Il n’est pas dans l’esprit de possession. S’il n’a rien, il rend gloire à Dieu, s’il vient à recevoir beaucoup, il rend grâce de la même manière. Il n’est donc pas dans une optique de dépendance aux biens matériels pour la réalisation de son bonheur, ni de sa mission. Paul ne refuse pourtant pas l’abondance quand elle vient et il est reconnaissant aux communautés qui l’aident sur ce plan. D’ailleurs il continue avec cette réflexion importante : « Cependant, vous avez bien fait de vous montrer solidaires quand j’étais dans la gêne. » Paul reconnaît qu’il était dans le besoin. Pour vivre une vie humaine bonne, il reconnaît que cette aide était la bienvenue. Il nous montre aussi que sa situation a été l’occasion pour la communauté Philippienne de faire le bien, et de mettre en œuvre le commandement à la charité. Or être dans l’abondance à l’époque de Paul n’a pas la même signification que d’être aujourd’hui dans l’abondance, notamment en termes d’impact carbone. Une abondance qui n’est pas obtenue au prix d’une forte contribution à la crise écologique est certainement idéale ! Mais ce n’est plus le cas. Le confort moderne dans sa démesure consumériste se paye au prix du changement climatique. Alors comment comprendre dans un deuxième temps la liberté de Paul par rapport aux biens matériels ? Le concept de développement intégral, promu par l’écologie intégrale, peut nous y aider. En effet le développement intégral nous indique que l’être humain est composé de différentes dimensions, dont la matérielle qui n’en est qu’une parmi d’autres, comme les dimensions psychologique, relationnelle, familiale, intérieure, spirituelle, artistique, culturelle et religieuse. Le vrai développement, celui qui fait entrer dans une vraie abondance, est celui qui permet un épanouissement de chacune de ces dimensions, en articulation les unes avec les autres. Ainsi on peut bien vivre dans une posture de sobriété vis-à-vis des biens matériels, et vivre dans l’abondance du développement intégrale de notre personne humaine, et c’est peut-être même la condition de réalisation de notre humanisation ! Cela nous donne peut-être une clé de lecture pour comprendre, dans un sens renouvelé, la parabole des invités à la noce que raconte Jésus en ce dimanche dans l’évangile de S. Matthieu : Ceux qui ne viennent pas au banquet sont les repus, ceux qui sont saturés du point de vue de leur dimension matérielle et qui ne sont donc pas en mesure de laisser de la place pour autre chose. Ceux qui acceptent de venir au banquet sont ceux qui reconnaissent qu’ils ont besoin de développer toutes les dimensions de leur être. Mais le cas de celui qui se fait jeter dehors car sans habit de noce, est aussi intéressant à comprendre. Il n’est pas dans les dispositions d’une sobriété heureuse, non qu’il se rebelle par rapport au maître du banquet, mais parce qu’il confond sobriété avec… austérité. En effet, le développement intégral conduit à accueillir la joie qui vient de l’épanouissement intégral de notre personne humaine. C’est ce que traduit le vêtement de noces. L’austère est celui qui ne s’autorise pas à cette joie en vivant dans une ascèse extrême pour bien montrer qu’il a compris les enjeux de la crise écologique et ses risques de catastrophe. Il se transforme en ayatollah de l’écologie, adepte d’une écologie de la contrainte et de la punition. Non, la sobriété en tant que mise en œuvre de la vertu de tempérance relève d’un engagement libre et volontaire. Et dans la grande tradition d’Aristote et de saint Thomas d’Aquin, l’éthique des vertus est faite pour la visée d’une vie bonne et heureuse. Comme le dit le frère Jean Marie-Gueullette op., dont l’enseignement s’inscrit dans cette tradition : « pas de vertu sans plaisir » ! Dans cet état d’esprit, le Ps 22 nous permet d’entrer dans la démarche de sobriété en étant rassuré. Il y a certes un renoncement à vivre face à la civilisation consumériste. Les prés d’herbe fraîche et les eaux tranquilles sont le symbole de cette abondance du développement intégral. La bonne nouvelle est que nous ne sommes pas seuls pour accomplir la conversion que ce détachement implique. Dieu nous accompagne et nous guide, il nous rassure parce que c’est le bon chemin que nous aurons choisi. Ce détachement pourra même être vécu comme une libération face à l’esprit de production et consommation du paradigme technocratique, c’est pourquoi nous pourrons dire avec le prophète Isaïe dans la première lecture : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! »
2 Commentaires
Marylène Puchois
Je ressens formidablement bien ce qui est partagé.
Merci beaucoup. 🙏🙏💚
frevolchjb
Merci Marylène!