Chronique d’écologie intégrale du samedi 9 Mars 2024, Mémoire o. de S. Patrick, évêque
Saint Patrice ou saint Patrick est fêté le 17 mars. Ce saint très populaire qui évoque les boissons fermentées à base de céréales est le saint patron de l’Irlande et de tous les Irlandais dans le monde. Il est né au Pays de Galles vers 385, fils d’un fonctionnaire impérial. Il reçoit donc une éducation romaine. A l’âge de seize ans il est enlevé par des pirates irlandais et se retrouve vendu dans une ferme à garder les porcs comme esclave au nord de l’Irlande. Il y reste six ans et réussit à s’évader à l’âge de vingt-deux ans. Des sources montrent également qu’il a fait un temps dans la légion et qu’il fut contraint de servir sur le front de Germanie. Il fit l’expérience du druidisme celte et retrouva à travers lui le chemin de la foi au Christ. Il revient chez lui avec le désir d’évangéliser l’Irlande. Il se retire dans un monastère pour se préparer au sacerdoce et obtient du pape Célestin 1er les autorisations nécessaires pour organiser sa mission. En 432 il est ordonné évêque à cette fin. Il se dépense ainsi à annoncer l’évangile avec un petit groupe de compagnons, malgré les trahisons, les menaces et les calomnies, notamment de ses supérieurs ecclésiastiques. Il baptise à tour de bras, fonde des églises, des monastères et des écoles. Il meurt à Down dans l’Ulster, en 461 ayant accompli l’incroyable mission d’avoir implanté le christianisme et la vie monastique dans toute l’île. Il semble qu’il a su adroitement inculturer la foi chrétienne aux conditions sociales, politiques et religieuses des Celtes. La figure de saint Patrick est en effet fortement associée au trèfle, humble légumineuse qui représente aussi l’Irlande. La légende veut que ce soit en s’appuyant sur l’analogie qui existe entre la feuille trilobée du trèfle, le fameux Chamrock, et la sainte Trinité, que le saint évêque a expliqué le mystère de la foi en un Dieu unique, communion de trois personnes. La feuille de trèfle est unique mais différentiée en trois folioles unies en un point d’attache sur son pédoncule. Huit siècle plus tard saint Bonaventure utilisera un procédé théologique similaire en parlant des vestiges de la Trinité dans la création et dans les créatures. Ces dernières témoignent du Créateur, en laissant voir ses traces, sa signature trinitaire dans la création, et pourquoi pas parmi les trèfles. La figure de saint Patrick est l’occasion d’évoquer la place de la spiritualité chrétienne celtique dans le champ de la spiritualité de l’écologie. D’abord interrogeons-nous sur la rapidité avec laquelle le christianisme s’est répandu sur l’île irlandaise. C’est peut-être bien que la religion celtique païenne portait en elle un certain nombre de prédispositions à l’accueil de l’Evangile. S’agissait-il d’une religion polythéiste ? Pas du tout, mais il se trouve que les Celtes professaient déjà une sorte de monothéisme mettant en avant une triade de divinités, chacune étant une facette d’un Dieu unique. On peut ainsi dire que ces prédispositions furent ce que saint Justin l’apologète disait déjà de la philosophie grecque deux siècles plus tôt et qu’elles présentaient des logoi spermatikoi, des semences du Verbe, des semences d’évangiles. C’est pourquoi l’action de Patrick a été facilitée par les druides eux-mêmes, eux qui ont vu dans le christianisme un accomplissement de la culture et de la religion celtique. Je note cette curiosité historique que j’ai découverte en visitant le monastère de Landévennec en Bretagne. La tonsure des moines chrétiens celtiques reprenait la forme de celle des druides jusque à la réforme carolingienne qui imposa la règle de S. Benoît à tous les monastères de l’empire de Charlemagne. A l’époque de saint Patrick les druides eux-mêmes, réunis en concile, ont décidé de passer collectivement à la foi chrétienne, car en cohérence et pleine réalisation de leurs espérances religieuses. On peut dire que c’est Evangelii Gaudium et Querida Amazonia avant l’heure, d’autant plus que la spiritualité druidique, comme chacun sait, de même que les spiritualités d’Amazonie, sont marquées par un fort rapport à la création. Parmi les choses que je retiens de cette spiritualité, se trouve l’idée de la dimension sacramentelle de la création qui met en relation le croyant avec le monde de Dieu. Cela est très proche de la conception des églises orthodoxes de l’icône. La création est icône du Créateur. Pour les celtes la création est théophanique, elle manifeste Dieu et est lieu de la présence divine. Par exemple les entrelacs souvent représentés dans l’art celtique même chrétien, représentent les mouvements des énergies divines dans la création. Encore une fois cela est à rapprocher des traditions orthodoxes des énergies divines incréées qui parcourent la création et la vie de l’Eglise. En Occident cela rejoint les visions de S. Hildegarde de Bingen et le thème de la viridité qui est le fruit de l’action de l’Esprit Saint parcourant les créatures et leur donnant la vie. Je termine par un extrait d’une prière attribuée à S. Patrick, son oraison dont tout un paragraphe s’appuie justement sur la force de la création pour vivre une vie pleinement chrétienne : « Aujourd’hui je me ceins de la Force puissante de l’invocation de la Trinité, de la foi en Dieu un et trois, le Créateur de l’univers. […] Aujourd’hui je me ceins de la force des cieux, de la lumière du soleil, de la clarté de la lune, de la splendeur du feu, de l’éclat de l’éclair, de la rapidité du vent, de la profondeur de la mer, de la stabilité de la terre, de la solidité des pierres. […] Aujourd’hui je me ceins de la Force puissante de l’invocation de la Trinité, de la foi en Dieu un et trois, le Créateur de l’univers. Amen. »
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