Chronique d’écologie intégrale du samedi 29 Juin 2024, Fête de Saint Tomas, Apôtre
Voici l’occasion de debunker une représentation d’un grand saint à qui on fait dire n’importe quoi, j’ai nommé l’apôtre saint Thomas, fêté le 3 juillet. C’est l’un des douze apôtres, les évangiles nous rapportent que son nom signifie : « jumeau ». C’est l’apôtre de l’Orient car il est réputé être allé évangéliser la Perse et les Indes. La tradition syriaque se réclame de son héritage et de sa succession, à tel point que sa tombe pourrait se trouver à Madras, chez « les chrétiens de saint Thomas ». C’est à lui encore, lors du dernier repas que Jésus fait cette réplique : « Je suis le chemin, la vérité et la vie (Jn 14, 6). » Il est réputé avoir un charactère entier et s’engage avec enthousiasme à la suite de Jésus. Quand ce dernier annonce qu’il va à Jérusalem, voici que Thomas s’exclame : « Allons-nous aussi pour mourir avec lui (Jn 11, 16 ! » Mais les incrédules ont-ils raison de se réclamer du patronage de S. Thomas pour dire : « ah ben moi, je suis comme saint Thomas hein ! Je crois que ce que je vois ! » Un petit moment d’irritation passé, on peut commencer à réfléchir sérieusement sur la question, ce qui devrait nous permettre, du point de vue du tétraèdre de l’écologie intégrale, d’ajuster notre relation à Dieu. Il faut bien comprendre que l’incrédulité de Thomas sert une fonction dans les évangiles : celle d’attester au lecteur que Jésus le Fils de Dieu est bien ressuscité d’entre les morts, et ce dans son corps. C’est-à-dire que cette incrédulité de Thomas n’est pas à imiter mais à dépasser. D’après S. Grégoire le Grand : « L’incrédulité de Thomas a été plus avantageuse pour notre foi que la foi des disciples qui ont cru[1]. » Ce qui est donc le contraire de ce que les incrédules se réclamant de S. Thomas revendiquent. S’il n’y avait pas eu l’incrédulité de Thomas, il n’aurait peut-être pas autant de croyant aujourd’hui ! On peut se poser la question : Ce qu’il a vu peut-il vraiment mener à la foi ? S. Thomas a vu un homme. Or « la divinité ne peut être vue par un homme mortel[2] » dit encore S. Grégoire le Grand. Thomas a vu le corps de Jésus et a reconnu en lui le Fils de Dieu ce qui suppose encore un acte de foi. Allons encore plus loin dans ce sens. L’incrédulité de Thomas est au service de notre foi justement parce qu’il est un apôtre. L’évangile de Jean nous dit qu’il était absent lors de la venue de Jésus, c’est pas de chance ! Il aurait dû être là pour voir Jésus ressuscité avec les autres qui ont vu, cela fait partie du boulot d’un apôtre que d’être le témoin de la vie de Jésus, de sa mort et de sa résurrection, C’est un témoin officiel choisi par Jésus qui reçoit avec les onze autres, la mission d’aller témoigner et d’attester de ce qu’ils ont vu. Et donc si l’un d’entre eux n’a pas vu, ça manque à sa mission. Ainsi est-il légitime que Thomas proteste et demande d’aller jusqu’au bout de sa vocation à voir… ce que Jésus ne conteste absolument pas d’ailleurs. Jésus va même plus loin en reconnaissant son droit et en lui donnant l’opportunité de toucher les plaies de sa passion. Non personne n’est comme saint Thomas surtout pas pour justifier l’incrédulité car personne d’autres que les apôtres ont reçu cette tâche de voir, pour aider les autres à croire. Ce qui m’amène à un deuxième point important de la figure de S. Thomas. Il est le témoin privilégié du corps ressuscité de Jésus. C’est-à-dire du fait que Dieu tienne le corps matériel de la personne en si haute estime qu’il lui confère sa propre vie. Ainsi pouvons nous dire que Thomas est un témoin privilégié de la dignité de la matière et de la création matérielle. Il faut savoir que S. Thomas est réputé avoir écrit un évangile. Mais celui-ci est apocryphe, c’est-à-dire qu’il n’a pas été reconnu comme authentique par l’Eglise pour faire partie du canon des écritures. Le manuscrit de ce texte a été retrouvé en Egypte à Nag Hamadi et appartient à un corpus de texte gnostiques datant du troisième siècle. Or le gnosticisme est justement une doctrine religieuse qui nie toute dignité à la matière pour n’en conférer qu’à l’esprit humain, qui est soi-disant de nature divine. Quand on y réfléchit, c’est d’une perversion la plus aboutie, car on fait dire à S. Thomas dans ce texte tout le contraire de ce qu’il a attesté dans le passage de l’évangile de Jean proclamé pour sa fête : Thomas est le seul apôtre dans les évangiles dont on nous ait dit qu’il a touché le corps ressuscité de Jésus. Jésus ressuscité n’est pas qu’un pur esprit ou un corps spiritualisé ! C’est un corps solide matériel rempli de la vie divine. Il est donc temps d’arrêter de faire dire n’importe quoi à S. Thomas et par lui d’accueillir ce qu’il y a de plus profond dans la foi chrétienne, le mystère de la résurrection de la chair. La nôtre bien sûr, mais c’est aussi une grâce promise à la création tout entière dans la création nouvelle.
[1] Saint Grégoire le Grand, « Homélie sur l’évangile de Jean. »
[2] Idem.
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