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Chronique d’écologie intégrale du mardi 24 Décembre 2024, Solennité de la Nativité de NSJC-Nuit Quand les arbres se déhanchent sur la piste de danse
En cette nuit de Noël, la création fait une nouba incroyable nous dit le Ps 95 : « Joie au ciel ! Exulte la terre ! Les masses de la mer mugissent, la campagne tout entière est en fête. Les arbres des forêts dansent de joie devant la face du Seigneur ». Ce psaume est lu chaque année à Noël, et aussi en d’autres occasion, mais je suis un peu embarrassé car je n’ai encore jamais vu le déhanché de la danse des arbres des forêts. J’essaie de m’imaginer, avec les représentations fournies par le film du « Seigneur de Anneaux » ce que cela pourrait donner en visualisant l’ent Sylvebarbe tentant la figure de « Saturday Night fever » des Bee Gees. J’entrevois aussi quelques raideurs au niveau des jointures… le bois du tronc n’est pas très souple… Mais bon, ça reste fictionnel. Peut-être est-ce l’occasion de rappeler que d’une manière générale la création adresse une louange permanente au Seigneur. Par ce qu’elles sont, en elles-mêmes et par elles-mêmes, les créatures louent le Seigneur. Cela attire notre attention sur le fait qu’il existe une clameur de la terre qui n’est pas un cri de souffrance. Dès l’origine la clameur de la terre est un chant d’action de grâce pour l’existence, pour le fait même d’être créé, ici et maintenant. Le psaume choisi pour cette liturgie indique que la cause de la joie de la création, des océans, de la campagne et des arbres, c’est la venue du Seigneur qui vient pour juger la terre et les peuples. C’est une incroyable nouvelle pour nous car nous réalisons que la venue de Jésus Christ en notre chair, concerne aussi les êtres non-humains pour qui un jugement est également préparé, et donc, un Salut. L’inventeur de la crèche, le bon saint François d’Assise a eu une conscience aigüe de cette vérité de la foi Chrétienne. C’est d’ailleurs pourquoi il a tenu à ce que les animaux soient représentés : dans la première crèche à Greccio en 1223, c’est-à-dire il y a 800 ans, il y avait l’âne et le bœuf. On ne les trouve pourtant pas dans l’évangile de Luc racontant la Nativité ! Non, c’est vrai, S. François tire son inspiration des évangiles apocryphes, c’est-à-dire non-officiels, qui se sont permis des rajouter des détails parfois discutables à la vie de Jésus. Mais ici dans l’esprit de S. François il s’agit de faire figurer des témoins officiels de la communauté non-humaine de la maison commune, de la terre dont il est question du jugement dans le Ps 95. Plus fort que cela, la création se réjouit de ce que la réalité matérielle soit assumée par Dieu. Dans le corps humain de Jésus nouveau-né, ce sont tous les éléments composant la création et les créatures qui sont incorporés en Dieu. C’est donc un événement au retentissement cosmique qui fait que les arbres ont vraiment de quoi célébrer par une danse endiablée ! La joie de la création est modèle pour la nôtre, et nous en avons besoin car les signe de cette venue victorieuse de Notre Seigneur en notre chair ne sont pas des plus glorieux, selon ce que l’on aurait pu attendre. Nous devons en effet discerner l’expression de cette gloire dans les apparences de la pauvreté de la scène décrite par S. Luc : exclusion sociale des parents qui sont en voyage, mise au monde dans des conditions sanitaires plus que critiquables, entouré par une bande de personnages douteux en marge de la société. Le projet de jugement du monde semble assez mal parti. Ce paradoxe nous éclaire sur un problème récurrent en Christianisme. En effet, la deuxième lecture de la messe de la nuit de Noël tirée de l’épître de S. Paul à Tite, nous invite à vivre un vrai paradoxe qui a été vécu à chaque époque par es Chrétiens, je cite :« [La grâce] nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise […] la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. » (Tt 2, 12-13). On dit souvent que le chrétien est celui qui vit selon les lois et les coutumes de la citée et de la société dans laquelle il se trouve, pas différemment. C’est comme ça que l’on interprète « vivre dans le temps présent de manière raisonnable », comme étant la posture chrétienne en société, notamment depuis le texte fondateur de « l’épitre à Diognète » au iie siècle. D’ailleurs la raison du déplacement à Bethléem correspond bien à la mise en conformité sociale et politique du recensement de la famille de Joseph vivant dans une province de l’empire romain. Mais en même temps il ne faut pas être du monde et donc il est impératif de rejeter la convoitise et l’impiété ! Pour notre temps cela prend une coloration particulière et insidieuse : faut-il participer à la vie de la société moderne avec ce qu’elle a de déshumanisant et de destructeur pour la planète selon les effets du paradigme technocratique ? En effet, sans nous en rendre compte et sous couvert de bonne insertion sociale et politique les chrétiens peuvent alimenter la machine productiviste et consumériste qui génère de la crise écologique et de l’exclusion sociale. Peut-être que le témoignage de la saint Famille n’est pas que le résultat d’un fâcheux concours de circonstance, et que leur pauvreté nous invite malgré tout à contrecarrer l’esprit du monde dans lequel nous vivons en mettant en œuvre la sobriété, une sobriété tellement heureuse qu’elle en suscite la jubilation de toute la création, surtout des arbres des forêts qui se déhanchent. Joyeux Noël.
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