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Chronique d’écologie intégrale du samedi 16 Novembre 2024, Mémoire facultative de S. Mechtilde de Hackeborn
Connaissez-vous sainte Mechtilde de Hackeborn ? Dans l’encyclique du pape François sur le Sacré Cœur, Dilexit nos, le S. Père nous dit : « Plusieurs saintes femmes ont raconté des expériences de rencontre avec le Christ, caractérisées par le repos dans le Cœur du Seigneur, source de vie et de paix intérieure. C’est le cas de sainte Lutgarde, de sainte Mechtilde de Hackeborn, de sainte Angèle de Foligno, de Julienne de Norwich, entre autres. » (DN 110) C’est justement S. Mechtilde que nous fêtons le 19 novembre. Amie et sœur de communauté de S. Gertrude d’Hefta, une autre sainte mystique, elle est née en 1241 et décédée en 1298 ou 1299. Ses parents la placèrent au monastère d’Hefta à l’âge de sept ans. S’étant forgée une grande culture, elle reçut plus tard la direction des études des sœurs de la communauté. Elle est connue pour être une mystique ayant reçu dans sa vie des visites de la part du Seigneur. Elle consigna ses expériences dans Le livre de la grâce spéciale, qui fit connaître la dévotion au Sacré Cœur de Jésus. Le pape François le dit de manière très claire : « Sainte Gertrude et sainte Mechtilde ont été considérées comme les “confidentes les plus intimes du Sacré-Cœur” » (DN 110). Parmi ces confidences reçues, S. Mechtilde raconte qu’elle eut une apparition du Christ revêtu d’un manteau de fourrure. Et voici qu’elle interprète ce fait comme étant le signe de l’association intime en Dieu de toutes les créatures, je la cite : « les cheveux et crinières de l’homme, des animaux et des plantes resplendissant au travers de l’humanité du Christ et de la très Sainte Trinité[1]. » Ce n’est peut-être pas très végan comme image ! Les mystiques reçoivent les images et visions qu’ils peuvent à peu près comprendre, mais l’intention est bien de montrer que l’Incarnation du Christ est le principe de l’intégration de la création matérielle en Dieu lui-même. L’image est forte car par le manteau de fourrure, Dieu se revêt de la matérialité des créatures comme d’un ornement ! Jean Bastaire qui commente la vie de S. Mechtilde va plus loin encore dans l’interprétation de l’incorporation de la matière en Dieu pour dire que par l’incarnation du Verbe en notre chair, toute la création s’en trouve sanctifiée. Ensuite quand elle demande à Dieu ce que signifie qu’il doit être glorifié par ses œuvres, notamment pendant le bénédicité communautaire, voici la réponse que lui fait Jésus, je cite : « Lorsqu’on chante ce cantique pour convoquer les créatures, elles arrivent toute spirituellement en ma présence, comme des personnes vivantes qui me glorifieraient de tous mes bienfaits[2]. » Ce à quoi Mechtilde réplique, je cite : « Il n’y a aucune raison de se refuser à croire que les choses créées peuvent se présenter devant Dieu comme des personnes vivantes, puisque rien n’est impossible à Celui devant qui nulle créature n’est invisible[3]. » Ici on va très loin dans la reconnaissance de la valeur propre des créatures aux yeux de Dieu. On est loin de l’animal machine qui suivra dans la culture chrétienne occidentale du xviie siècle… On est plus près de l’esprit de l’écologie intégrale et de la bonne nouvelle de la création. Les créatures sont importantes dans le regard de Dieu, et c’est un regard que nous sommes invités à faire nôtre. S. Mechtilde nous en donne ici une image, une représentation. Je trouve en effet intéressant d’entendre que la médiation de la prière humaine, non-seulement convoque la création, mais en plus la rend présente d’une manière spéciale auprès de Dieu. De nombreux textes bibliques rapportent la convocation des créatures en un chœur de louanges adressées au Seigneur. Les psaumes en sont les témoins mais bien plus particulièrement encore le « cantique des trois enfants » dans le livre de Daniel dont il est question dans le dialogue entre Jésus et la sainte. « Toutes les œuvres du Seigneur bénissez le Seigneur ». Dans un autre registre, la valeur des créatures est présente dans les métaphores animales qui ne manquent pas dans la vie spirituelle de la mystique pour parler de l’âme auprès de Dieu : comme par exemple le lièvre qui se repose sur le sein de Dieu, ou encore le petit chien fidèle qui vit de la présence de son maître. Ses sœurs sont enfin comparées, comme le fera plus tard S. François d’Assise pour ses frères, à des alouettes qui volent joyeusement dans le ciel. Pour terminer, voici une prière écrite par S. Mechtilde. « Cœur de Jésus très doux et très précieux ! O cœur débordant de douceur, rempli de pitié, surabondant d’amour ! […] O cœur, très doux parfum, encens embaumé, sacrifice très digne, offrez-vous vous-même sur l’autel doré de l’expiation, pour compenser tous les jours de ma vie où je n’ai pas apporté de fruit à Dieu. » Cette dernière demande s’applique bien dans le cas de la sauvegarde de la création, domaine dans lequel le pape François nous dit que « nous avons déçu l’attente divine ». (LS 61) Nous n’avons pas apporté les fruits de soin de la création que Dieu attendait. Dans le Cœur sacré de Jésus il y a de la miséricorde même pour ceux qui détruisent la terre.
[1] . Mechtilde de Hackeborn, Revelationes, IV, 3, cité par Hans Urs von Balthasar, La dramatique divine, t. IV, Le dénouement, Ed. Culture et Vérité, diffusion Brépols, 1993, p. 284.
[2] . Mechtilde de Hackeborn, Le livre de la grâce spéciale, III, 7, trad. des bénédictins de Solesmes, Paris, Mame, 1920, p. 200-201.
[3] . Ibid., p. 233.
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