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Chronique d’écologie intégrale – samedi 08 Novembre 2025, Mémoire facultative du Bx Jean Duns Scot, prêtre
Le 8 novembre, l’Eglise fête le Bx Jean Duns Scot. Plus connu dans les facs de philosophie que dans la piété populaire, ce personnage de la fin du xiiie siècle fut franciscain à Oxford, puis à Paris et à Cologne enseignant la théologie dans les universités prestigieuses de ces villes. Il est né en 1266 à Duns en Ecosse et mort en 1308 à Cologne. Son nom est en fait associé à son origine géographique : Jean l’écossais de Duns. Il entre chez les Frères mineurs en 1280, et ordonné prêtre en 1291. Métaphysicien, théologien marial, théologien de la création et de l’incranation, son œuvre immense et de grande qualité lui valut le surnom de « docteur subtile » bien qu’il ne soit pas docteur de l’Eglise. Il est pour l’ordre franciscain ce que S. Thomas d’Aquin fut pour l’ordre dominicain en termes d’héritage théologique. Il fut béatifié en 1993 par S. Jean-Paul II. S’il est vénéré, en particulier par ce saint pape, c’est qu’il a contribué à l’élaboration du dogme de la l’Immaculée conception. Ce dernier a été proclamée en 1854 par le pape Pie IX. On peut donc dire qu’il s’en est passé du temps avant que les débats théologiques ne soient tranchés et tout le monde n’était apparemment pas d’accord chez les théologiens. L’apport de Jean Duns Scot a en tout cas été décisif, cinq siècles après sa formulation dans son oeuvre. Benoît XVI a rappelé qu’il défendit que Marie « fut épargnée par le péché dès sa conception » et mit en avant « l’argument de la rédemption préventive. Selon cet argument, l’immaculée conception est le chef d’œuvre de la rédemption opérée par le Christ. La puissance de son amour et de sa médiation a obtenu que la Mère soit préservée du péché originel. Cette doctrine, diffusée avec enthousiasme par les Franciscains, fut perfectionnée et défendue, parfois solennellement, par d’autres théologiens[1] ». Mais il faut situer cette contribution dans le contexte plus large de la théologie du Bienheureux, car Marie est conçue par Dieu en vue de l’incarnation qui est chez Jean Duns Scot un acte conditionné par aucun autre. En d’autres termes, pour le franciscain, même si Adam n’avait pas péché, le Verbe divin se serait incarné ! Du point de vue d’une écoéthologie et de la bonne nouvelle de la création, ce positionnement est très important à comprendre. Dans le projet de Dieu, le but divin ultime est l’union entre Dieu et la création. Comment cela peut-il se faire ? Par la médiation d’une créature capable de Dieu, une créature capax Dei ; c’est la créature humaine. L’union entre Dieu et la création se réalise justement dans l’incarnation du Verbe divin en la personne de Jésus-Christ. L’incarnation est donc ici le sommet de l’historie du Salut. On comprend mieux dans cette perspective la place éminemment centrale de la Vierge Marie en vue de la réalisation de ce projet. La bonne nouvelle de la création chez le Bx Jean Duns Scot est donc que la création tout entière est destinée à l’union avec Dieu, et cela est réalisé en la personne de Jésus Christ. Marie telle que Dieu la conçoit est parmi les créatures celle achève la condition de réalisation du projet divin. En bon frère de S. François, Jean Duns Scot reçoit de son maître l’attention particulière et l’amour à porter à chacune des créatures. Mais comment le justifier intellectuellement ? S’inscrivant dans la tradition du livre de la nature, Jean est convaincu, comme S. Bonaventure d’ailleurs, que chaque créature porte en elle une trace spécifique du Créateur, comme un sceau, une signature divine qui exprime la singularité propre de chaque créature dans son unicité. S. Bonaventure développe pour penser cela le concept de vestige trinitaire dans la création. Jean Duns Scot s’intéresse au sens que cela peut avoir dans la structure métaphysique des créatures. Alors pardon, mais on va faire un peu de métaphysique pour comprendre cela. Accrochez-vous. Il était classiquement compris que chaque créature est l’association d’une essence, ou forme substantielle, avec une matière qui se trouve donc informée par cette essence. Or la forme est générique, elle est commune à une famille d’individus que l’on va nommer espèce ou genre. Et s’il y a des différences individuelles dans une espèce, c’est de la faute de la matière et de ses imperfections, pour faire bref. La seule exception étant la personne humaine dont l’âme rationnelle est individualisée informant ainsi la singularité de chaque personne. La thèse de Jean Duns Scot est différente. Si Dieu laisse une trace spécifique et singulière dans chaque créature, cela indique et se traduit par le fait que la forme substantielle est propre à chaque individu, à chaque créature. En d’autres termes, ceux de la bonne nouvelle de la création, Dieu aime tellement chacune de ses créatures, qu’il lui donne une identité propre et singulière dans ce qu’elle a de plus profond en elle, au plus intime des détails de son identité. Et c’est cela qui justifie le regard d’émerveillement d’un S. François d’Assise qui dans cette spécificité de chaque créature trouve une occasion de rencontre et d’union avec le Créateur de l’univers. C’est la doctrine de l’« haeccéité » chez Jean Duns Scot, merci à lui de nous avoir donné les outils intellectuels pour comprendre ce mystère des créatures.
[1] Benoît XVI, Le 7 juillet 2010, Jean Duns Scott.
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