Chronique d’écologie intégrale du samedi 06 Juillet 2024, Mémoire obligatoire de Saint Benoît, Abbé et patron de l’Europe, en Europe, fête.
S. Benoît de Nursie, voici pour moi un saint qui impose le respect. Fêté le 11 juillet, il est le père du monachisme occidental, et le saint patron de l’Europe. La règle qu’il a écrite sert toujours de modèle et de référence pour les communautés monastiques du monde entier, et c’est grâce à lui que résonne en tout lieu de la planète cette fameuse exhortation, tirée du livre des Proverbes et reprise dans la première lecture de la messe de cette fête, je cite : « Ecoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l’oreille de ton cœur[1]. » C’est la première phrase du prologue de la règle dite de saint Benoît, adressée à celui qui veut entrer au monastère. Né vers 489, il va faire des études à Rome mais voilà que la vie mondaine ne le satisfait pas. Il décide de partir vivre en ermite sur la montagne de Subiaco. Sa vie de sainteté lui amène une multitude de frère et dans les environs, il fonde des monastères composés de douze frères chacun. Mais vers 529, il fonde avec quelques frères un monastère sur le Mont Cassin, sur lequel il finira sa vie en 547, après avoir rédigé la règle de vie des moines, ceux que l’on appellera par la suite : les bénédictins. Un coup de pouce fut donné par Charlemagne quelques siècles plus tard, car c’est au cours de la réforme carolingienne que la règle fut imposée à tous les monastères de l’empire. C’est S. Paul VI qui, le 24 octobre 1964, le proclama saint Patron de l’Europe. En cela il sera rejoint plus tard par les saints Cyril et Méthode, puis par S. Thérèse de l’enfant Jésus. L’évangile qui a été choisi pour la fête de S. Benoît est très intéressant. Tiré de celui de Matthieu, il a pour but de montrer quelle sera la récompense de celui qui choisira la vie consacrée à Dieu, en particulier au monastère : celui a tout donné recevra le centuple dans le Royaume de Dieu. Or cet évangile est aussi utilisé par les chrétiens qui prêchent « l’évangile de la prospérité ». Certains pasteurs évangéliques, eux-mêmes fort riches, n’hésitent pas à exhorter leurs fidèles à leur faire de gros virements bancaires, car comme eux, ils en recevront le centuple et accèderont à la prospérité. Cette dernière est également le signe de l’élection : si tu es riche et bien portant c’est le signe que Dieu t’a sauvé et que tu iras au paradis, tant pis pour les autres. Il me semble que ces prédicateurs ont oublié la première partie de l’enseignement de Jésus : « lors du renouvellement du monde, lorsque le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire ». (Mt 19, 28) C’est à ce moment-là, lors de la création nouvelle que le centuple promis sera octroyé, pas avant. En attendant les moines font vœux de pauvreté selon un esprit de tempérance et de sobriété qui se dégage de la règle de S. Benoît. Par exemple il y est prévu que le responsable de la gestion des biens matériels, le cellérier, doive distribuer aux frères ce dont ils ont besoin, pas plus et pas moins, sauf cas exceptionnels justifiant soit un excès soit une restriction. Je cite : « Tous les objets et tous les biens du monastère seront à ses yeux comme les vases sacrés de l’autel. […] Il ne sera pas enclin à l’avarice ni dépensier ni dilapidateur du patrimoine du monastère, mais il fera tout avec mesure et selon l’ordre de l’abbé[2]. » La vertu de tempérance, qui préside à la sobriété est donc la vertu principale de cet intendant. Elle émane du fait que les biens matériels, ont une valeur propre et intrinsèque et de ce fait, on en fait pas ce qu’on veut. Ils n’ont pas que valeur d’utilité s’ils doivent être considérés comme les vases sacrés de la messe. La règle de saint Benoît nous invite aussi à mesurer notre rapport au travail. Il faut travailler selon la bonne mesure de temps dans la journée pour ne pas être dans l’excès et toujours se recentrer sur le plus important : le travail de Dieu, l’opus Dei qu’est la louange dans le chœur de l’église. « Ora et labora », telle est en effet la devise de l’ordre bénédictin, « travaille et prie », mais pas par n’importe quel travail ! Même si S. Benoît encourage le travail intellectuel de frères, il enseigne que, je cite : « ils sont vraiment moines, s’ils vivent du travail de leurs mains[3] ». C’est celui qui est en effet le plus humanisant. Cela passa par le défrichage autour des monastères afin d’exercer une domination ajustée de la création. C’est pourquoi, aux côtés de l’économie de saint François certains auteurs plaident actuellement en faveur d’une valorisation de l’économie monastique pour donner des bases et étayer une économie s’inspirant des principes de l’écologie intégrale : une économie de la tempérance et de la sobriété. Enfin, je voudrais terminer en disant que les bénédictins assurent aussi un service de louange cosmique très important : dans leur contemplation et par leur voix, ils mettent en mot et en parole la louange de la création qui loue le Seigneur par son être. Le moine assure de manière exemplaire la vocation de porte-parole de la création devant Dieu. En ces temps de troubles qui affectent l’Europe demandons à S. Benoît son intercession pour la paix.
[1] . S. Benoît de Nursie, La règle de saint Benoît, Solesmes, Editions de Solesmes, [1980] 2011², prologue, p. 7.
[2] . Ibid., Ch. 31, p. 52.
[3] . Ibid., Ch. 48, p. 69.
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