Chronique d’écologie intégrale du samedi 03/08/2024, Fête de la transfiguration du Seigneur
L’évangile de ce Dimanche de la fête de la Transfiguration du Seigneur est un subtil jeu d’opposition entre ce qui est vu, donné à voir et caché. En effet, l’évangile de Mt nous précise que le visage de Jésus devient « brillant comme le soleil et que ses vêtements sont blancs comme la lumière ». En d’autres termes, Pierre Jacques et Jean sont éblouis ! Le mystère qui est révélé est donné en abondance, sans médiation, tant et si bien que les facultés humaines des apôtres en sont saturées. Bien que, comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture : « c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur » ; il n’est donc pas étonnant que la réaction des apôtres soit à côté de la plaque ! De plus leur proposition semble logique. Dresser une tente, c’est comme positionner un écran entre eux et Jésus afin d’atténuer la lumière et peut-être mieux voir de quoi il s’agit ! Les limites de notre humanité, dont les apôtres ont conscience, nécessitent que l’on ait recours à des médiations qui permettent au mystère d’être reçu, sans pour autant d’être épuisé ni maîtrisé. Un mystère est ce qui n’est saisi qu’en parti et progressivement ; dans lequel notre être, et en particulier notre intelligence, part en exploration sans jamais parvenir à en élucider tous les recoins, sans jamais en épuiser le sens dont le source est infinie. Les apôtres sont privilégiés de se prendre le mystère du Christ transfiguré en pleine face, mais quelque part j’ai envie de dire, « ça leur fait une belle jambe ! » Il valait mieux que Jésus leur demande de se taire avant sa Résurrection car c’est justement la maturation du temps et l’expérience de la Résurrection du Seigneur qui va leur donner une clé de compréhension de ce qu’ils ont vécu au Mont Tabor ! La parole du Père exprime une part du paradoxe qui s’éprouve en tout mystère : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Le Fils est donné à voir dans toute la splendeur de sa gloire, mais l’injonction ne porte pas sur la contemplation de ce qui est vu, mais de ce qui est écouté. Le Verbe créateur apparaît dans la gloire, et sa contemplation est insoutenable en son immédiateté. Il n’est pas recevable avec les yeux. Mais c’est par les oreilles que le Verbe se reçoit, par la médiation de la parole qui prend du temps à être énoncée et reçue dans les siècles que prend l’Eglise à se constituer et la Tradition às’enrichir. Et en retour, comment agit cette parole dans nos vies ? Saint Paul le précise : « Et ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. » La parole nous éclaire et agit comme une lumière dans l’attente de la révélation de la pleine Lumière de la Résurrection. Justement ! Les apôtres se sont retrouvés devant un événement des plus prophétiques. La transfiguration de Jésus est une anticipation de l’événement de la Résurrection en tant que phénomène qui prend et saisit toute la personne, jusque dans son corps. Or la Tradition que nous recevons des apôtres nous enseigne que c’est toute la création qui sera bénéficiaire de la gloire de Dieu en une création nouvelle. L’effet de la Résurrection du Christ est la transfiguration de la création ancienne en une création nouvelle – enseignent les pères de l’Eglise. Cela signifie qu’à la transfiguration de Jésus, ce sont non-seulement les apôtres qui sont témoins de l’événement, mais également les créatures présentes sur la scène. Ainsi nous le révèle le Ps de ce dimanche : « Quand ses éclairs illuminèrent le monde, la terre le vit et s’affola ; les montagnes fondaient comme cire devant le Seigneur, devant le Maître de toute la terre. Les cieux ont proclamé sa justice. » Comme nos pauvres corps, la création tout entière doit fondre comme cire pour se laisser transfigurer et glorifier par la vie divine. Le fait que la création soit appelée à être transfigurée fonde ce que le pape François appelle dans LS, la valeur propre et intrinsèque des créatures. Dieu voit la création déjà transfigurée comme il voit chacun d’entre nous dans notre vie de ressuscité. L’enjeu de la transfiguration de Jésus est de nous mettre à l’écoute de sa parole, et sa parole doit nous aider à entrer dans le regard de Dieu sur nous-mêmes et sur la création. C’est en entrant dans le regard de Dieu que nous pourrons à notre tour percevoir combien le Créateur aime sa création pour vouloir la voir transfigurée. Une fois ce regard bien intégré dans notre pratique spirituelle nous pourrons alors mettre en œuvre les principes de l’écologie intégrale et dominer la création selon la vocation qui est celle de l’humanité. Mais encore une fois il s’agit d’une domination qui prend modèle sur celle du Christ. Le prophète nous enseigne dans la première lecture que : « Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » Or cette domination est celle de l’amour et du soin pour toutes les créatures que Dieu veut voir transfigurée avec nous.
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