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Chronique d’écologie intégrale – mardi 03 Juin 2025, Mémoire obligatoire de S. Charles Lwanga et ses compagnons, martyres
Saint Charles Lwanga est fêté avec ses vingt-et-un compagnons martyrs le 3 juin. Né vers 1860, il était le chef des pages à la cour du roi Mwanga II du royaume de Buganda aujourd’hui en Ouganda. Dans une zone ou l’évangélisation avait déjà commencée avec les missionnaires des églises anglicanes et protestantes, il fut converti au christianisme catholique par les Pères Blancs. Il devint un catéchiste zélé et fut chargé de l’instruction religieuse des jeunes pages à la cour du roi. Il se distingua par sa piété, son courage et son sens de la responsabilité envers les jeunes placés sous sa protection. Lorsque le roi Mwanga II, hostile au christianisme, exigea que les pages chrétiens renient leur foi, Charles Lwanga refusa catégoriquement et encouragea ses compagnons à rester fidèles. Le démarrage du christianisme en Ouganda se traduisit par une lutte contre l’esclavage développé par les commerçants musulmans et cette situation inquiétait le roi Mwanga qui en profitait bien. Il fit ainsi tuer plus de deux-cents chrétiens, protestants et catholiques entre 1885 et 1887. De plus ce roi était de mœurs corrompues et le refus de Charles Lwanga et de ses compagnons à participer à des perversions de nature sexuelle conduisit à leur arrestation. Après avoir été torturés, ils furent condamnés à mort. Certains furent brûlés vifs, d’autres découpés en morceau et d’autres donnés en pâture aux chiens, tout cela entre le 3 juin 1886 et le 27 janvier 1887. Tous étaient fraîchement baptisés, et certains le furent par S. Charles lui-même, peu de temps avant leur supplice. Ils furent canonisés par le pape Paul VI en 1964. S. Charles fut proclamé patron de l’Action Catholique en Afrique et le lieu de leur martyre est devenu lieu de pèlerinage en Ouganda. Cela fait d’eux les premiers martyrs de l’Afrique noire. La vie de S. Charles Lwanga témoigne de l’importance de la vie morale droite, du respect de la dignité de la personne humaine, de la formation chrétienne et du soutien mutuel dans la communauté des croyants. Voici donc un témoignage de valeur en ce qui concerne les trois relations fondamentales que le la tradition spirituelle a toujours mis en avant : la relation à Dieu, la relation à soi et la relation aux autres. On pourrait se poser alors la question de la manière dont ces premiers martyrs de l’Afrique noire ont intégré la relation à la création. Je pense qu’on peut dire sans trop se tromper que les missionnaires n’ont pas mis l’accent sur cette dimension en arrivant dans ces pays. Ils ont surtout adopté une posture de suspicion face aux pratiques ancestrales qui ont valorisé la sacralité de certains éléments de la nature en particulier dans les rites qui ont été qualifié de païens et surtout de sorcellerie. Le travail d’inculturation a donc été difficile dans ce contexte et aujourd’hui les chrétiens d’Afrique noire prennent conscience d’un certain décalage, voire de contradiction quand on vient aujourd’hui leur annoncer la nécessité d’une écologie intégrale et en particulier d’une spiritualité écologique de la création. Voici ce qu’ils répondent :« Ce que vous nous proposez en termes de relation avec la création, nous l’avions déjà dans nos pratiques ancestrales. Pourquoi nous l’avoir interdit ? » Comment comprendre cela ? Il faut réintégrer le fait que les religions dites animistes d’Afrique ne sont en pas une idolâtrie des ancêtres. Aujourd’hui les théologiens africains reconnaissent que le culte des ancêtres occupe une place comparable à ce que nous autres chrétiens d’Occident avons appelé la communion des Saints. Cela implique que leur fonction est celle de l’intercession auprès… d’un Dieu unique et créateur de tout l’univers. Or le respect des ancêtres passe par un certain nombre de pratiques à dimension écologique, à savoir la sacralisation de certains espaces naturels comme une rivière ou une forêt. On redécouvre aujourd’hui que ces pratiques avaient surtout pour fonction de sanctuariser des zones pour en protéger la biodiversité contre les excès de l’exploitation. La pratique du totem est une reconnaissance de la familiarité des personnes et des familles avec certains éléments de la nature dont on s’approprie les vertus dans un esprit de fraternité et de solidarité. Attention, la relation avec les éléments de la nature devient effectivement perverse quand on veut s’en approprier les puissances pour nuire à autrui ou poursuivre des fins égoïstes dans les pratiques de sorcellerie contre lesquelles il faut lutter. Mais le cœur de la sagesse africaine réside dans la philosophie de l’Ubuntu qui connait un renouveau important depuis que l’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu l’a promu il y a quelques décennies. Le principe est le suivant : « je suis ce que je suis parce que tu es ce que tu es, je suis ce que je suis parce que j’appartiens à une communauté ». Or l’altérité qui est ici identifiée peut être un membre humain de la communauté, mais aussi un ou des éléments de la nature. Ce principe très intéressant exprime ce que le pape François propose dans Laudato si’ par son refrain : « tout est lié ». Nous existons parce que nous sommes en relation avec de l’autre. L’écologie intégrale devient alors une voie de l’inculturation du christianisme en contexte africain, et en retour il s’en trouve enrichi, parce qu’il se met à l’écoute du Verbe créateur qui s’exprime dans les sagesses des peuples d’Afrique, une sagesse qui est une préparation à l’accueil de l’Evangile du Christ.
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