Chronique d’écologie intégrale du samedi 01 Juin 2024, Mémoire facultative de Saint Ephrem de Nisibe, diacre et docteur de l’église
Né en 306 à Nesaybin en Syrie, saint Ephrem le Syrien ou de Nisibe est fêté le 9 juin. Contemporain des Pères cappadociens, il mourut en 373 à Edesse après avoir fui sa ville de Nisibe assiégée par les Perses. Il représente le troisième poumon de l’Eglise pour paraphraser saint Jean-Paul II. Aux côtés du poumon occidental, latin, et du poumon oriental et orthodoxe, Ephrem est le chantre de la tradition théologique et spirituelle orientale syriaque qui célèbre, prie et réfléchit en araméen, là où les latins le font en latin, et les orthodoxes en grec. La tradition syriaque revendique une plus grande proximité avec l’univers sémitiques de la Bible, et serait donc moins influencée par les philosophies grecques de l’Occident. Ephrem est même à l’origine de ce grand courant de pensée théologique. Ce Père de l’Eglise, proclamé docteur de l’Eglise en 1920 par Benoît XV, est surnommé « la harpe ou la lyre ou la cithare du Saint Esprit ». Car son œuvre considérable est surtout marquée par la production d’hymnes et de pièces musicales destinées à la liturgie. En effet, en un temps où les hérésies étaient multiples, il était important que la saine théologie irrigue la prière de l’Eglise et que les formules confiées au peuple de Dieu s’inscrivent dans une orthodoxie pleine et entière. Ces hymnes sont donc des bijoux de théologie finement ciselée. Le succès de son œuvre lui valut d’être traduit dans toutes les langues du Proche et Moyen Orient. De même ses homélies étaient lues publiquement dans les églises. Il est fils de parents païens, mais se convertit vers l’âge de 18 ans. Ordonné diacre, il refuse d’accéder aux ordres supérieurs par humilité. Il vécut même une vie d’austérité ayant adopté un régime végétarien composé de pain d’orge et de légumes. La spécificité de la théologie orientale est d’avoir une approche et une saisie cosmique du mystère de la foi ce qui est particulièrement intéressant pour inspirer une théologie de l’écologie pour aujourd’hui et ainsi abonder dans la diffusion de l’évangile de la création selon le projet du pape François dans Laudato si’. C’est ce qu’a vu Jean Bastaire déjà en 1996 et plus récemment le P. Anthony Kidharatil dans une thèse de théologie soutenue à Toulouse en mai 2024 sur notre saint syriaque. Au cœur de son message on trouve le motif théologique du « roi kénotique » comme vocation de l’être humain dans la création. C’est un thème que j’évoque régulièrement dans mes chroniques, à savoir que l’imitation du Christ passe par celle de son abaissement par son incarnation et sa mort sur la croix (Ph 2). Voici ce qu’en dit Jean Bastaire : « Ephrem souligne l’abaissement du Fils au-dessous de toutes les créatures afin de les glorifier toutes[1]. » Et si le Christ est la parfaite image du Père, alors pour accomplir notre être et vocation de créature créées à l’image de Dieu, il est de notre devoir que d’imiter cet abaissement. Voici quel en est l’effet dans la mission de Jésus selon les mots d’Ephrem : « Parce qu’elles étaient déchues, gisant sous le joug de la malédiction, il s’humilia lui-même encore plus bas qu’elles pour les élever et les exalter toutes. De même qu’il les humilia au commencement, ainsi maintenant, dans sa sagesse, il vint vers elles en médecin et en pacificateur[2]. » La sobriété est alors le chemin à suivre pour réaliser la figure de l’abaissement divin dans nos vies. C’est en ce sens que nous sommes appelés à être les rois de la création : à l’image du Christ roi de l’univers ; mais des rois kénotiques : c’est-à-dire par l’exercice de l’autolimitation, dans la mise en œuvre de la sobriété nécessaire à la conversion écologique de nos vies. L’œuvre d’Ephrem est d’une merveilleuse actualité en particulier dans le contexte de la spiritualité écologique contemporaine. En effet alors que la quête de spiritualité verte va parfois puiser à toutes les sources alternatives comme la gnose et le panthéisme, la théologie de la création d’Ephrem était déjà aux prises avec ces hérésies à son époque et à la manière d’un saint Irénée, il les a combattu dans ses écrits. C’est pourquoi il n’a de cesse de chanter la bonté de la création et des créatures au point d’en faire les sujets du salut offert en Jésus Christ et de la création nouvelle lors de la parousie, la venue du Christ dans la gloire. Terminons avec un extrait d’une de ces hymnes qui célèbre ce mystère de la création nouvelle :
Il renouvellera et le ciel et la terre lors de notre résurrection.
Par lui les créatures se verront délivrées et réjouies avec nous.
Il recouvrit de honte, comme nous en couvrit, la terre notre mère.
Mais celle qu’il maudît avec tous les pécheurs,
Il viendra la bénit avec ceux qui sont justes.
Le Seigneur de Bonté saura, avec les fils,
Rénover leur nourrice[3].
[1] Hélène et Jean Bastaire, Le chant des créatures. Les chrétiens et l’univers d’Irénée à Claudel, Paris, Cerf, 1996, p. 17.
[2] Ephrem de Nisibe, Commentaire de l’évangile concordant ou Diatessaron, XIX, 17, Paris, Cerf, Coll. Sources Chrétiennes, 1966, p. 341.
[3] Ephrem de Nisibe, Hymnes sur le Paradis, IX, 1 ; SC 137, 1968, p. 121.
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