Chronique d’écologie intégrale du samedi 7 Octobre 2023, 27ème dimanche du TO, Année A
Il est frappant de constater que les textes de la liturgie suivent le rythme des saisons agricoles de la zone tempérée de l’atmosphère nord, voire dans sa zone méditerranéenne. Déjà en juin et en juillet les textes parlaient des récoltes de champs de blé. Et en ces dimanches de fin septembre et de début octobre on nous parle de vendanges. Notez que cela vient désormais en retard car avec le changement climatique la date des vendanges avance un peu chaque année, et puis on se met à planter des vignobles dans le Sud de l’Angleterre… Les lectures de ce dimanche parlent toutes de la métaphore de la vigne pour évoquer les relations entre Dieu et son peuple. Dans l’esprit de l’écologie intégrale, cela nous fait entrer dans le regard de Jésus sur la création dans l’évangile selon saint Matthieu, comme dans le chapitre 2 de Laudato si’. La métaphore de la vigne nous montre à quelle point la création est importante aux yeux de Dieu car elle est ici le véhicule du message que Jésus veut nous faire passer sur sa mission. Cela dit, dans la première lecture, l’application de l’analogie de la vigne et de son destin pour la situation de notre monde est facile à trouver : « La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. […]. Il en attendait le droit, et voici le crime ; il en attendait la justice, et voici les cris. » La tribu d’Israël représente l’humanité entière. Le crime est la crise écologique. Les cris sont la clameur de la terre et la clameur des pauvres. Le ton de la première lecture et du psaume est grave, les demandes faites à Dieu sont pressantes. Le maître de la vigne exprime une déception : quelque-chose n’a pas marché. De même comme le dit le pape François dans Laudato si’ à la fin du premier chapitre, « nous avons déçu l’attente divine ». Le Psaume 79 exprime le désir de conversion qu’il nous convient d’avoir, dans ce contexte écologique, et notre attente de l’action salvifique du Seigneur. C’est pourquoi saint Paul nous exhorte dans la deuxième lecture : « Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. » Pourtant, comment vivre cette injonction à l’heure de l’écoanxiété ? C’est un vrai défi, je crois, car pour de nombreux chrétiens ce phénomène est une réalité poignante. Sont-ils pour autant de mauvais chrétiens ? Manquent-ils d’espérance ? Face à la crise écologique trois postures sont possibles : Premièrement, les enjeux sont tellement démesurés qu’ils nous glissent dessus comme sur les plumes d’un canard, c’est trop grand et lointain pour qu’on puisse se sentir concernés. On vit comme on a toujours fait et s’il y a un problème les scientifiques et l’état le règleront. Dans le même registre, on se dit deuxièmement que les enjeux dépassent la sphère d’influence et d’action humaine et seul Dieu peut résoudre le problème. Donc on attend qu’il agisse ! Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Enfin, troisièmement, les enjeux planétaires deviennent les nôtres en propre et on découvre que l’avenir incertain de la planète, c’est aussi le nôtre et celui de nos enfants. Alors naît l’écoanxiété. On prend conscience de la souffrance de la planète et de ceux qui y vivent, on se rend compte qu’on pourrait agir pour contrecarrer les problèmes, mais les actions engagées ne sont pas à la hauteur… Finalement et paradoxalement c’est bien cette dernière réaction qui semble la plus saine car la plus aux prises avec le réel. L’écoanxiété n’est pas une anomalie, elle est une réaction normale à une situation qui ne l’est pas : l’oppression de la nature par l’homme et la réaction violente du système planétaire par rapport à cette oppression. Alors saint Paul est bien gentil, mais si nous n’étions inquiets de rien au premier abord, cela voudrait dire que nous n’aurions pas conscience de l’ampleur des enjeux qui se présentent à l’humanité. Et ce serait irresponsable de notre vocation à être des gardiens de la maison commune. Le pape lui-même exprime cette inquiétude grandissante dans son exhortation apostolique Laudate Deum quand il parle du risque d’échec des efforts humains face au changement climatique. Dans un deuxième temps, peut-être faut-il approfondir la lecture de ce passage de l’épitre aux Philippiens en se mettant aussi dans la peau de celui qui a déjà intégré ces enjeux dans sa vie. Celui qui est engagé dans le soin et la sauvegarde de la création, voire dans la mise en œuvre de l’écologie intégrale. Comment peut-il entrer dans ces dispositions ? La confiance dont il est question nécessite un saut spirituel des plus important qui est l’acceptation que la résolution de la crise écologique puisse ne pas avoir lieu, ou en tout cas, pas en notre temps, ou pas comme on l’aurait souhaité. Cela veut dire que l’enjeu spirituel est bien de découpler l’engagement de terrain des résultats concrets que l’on souhaite voir se réaliser. Il faut se libérer de l’attente des résultats. En effet celui qui escompte les résultats de son action se situe dans l’espoir. Celui qui agit selon sa vocation sans se soucier du résultat se situe quant à lui dans l’espérance. L’espoir porte sur des réalités terrestres attendues et accessibles dans un futur plus ou moins proche. L’espérance porte sur l’union avec le Dieu vainqueur du mal, ici maintenant et pour les siècles des siècles. L’espérance implique que l’espoir soit dépassé et c’est souvent à travers l’épreuve du désespoir que l’accès à l’espérance est possible. Cette expérience est rendue possible par l’appropriation de la souffrance de la terre et des pauvres, car comme le dit le Saint-Père dans Laudato si’(19) : « L’objectif [est] de prendre une douloureuse conscience, d’oser transformer en souffrance personnelle ce qui se passe dans le monde, et ainsi de reconnaître la contribution que chacun peut apporter. »
Il est frappant de constater que les textes de la liturgie suivent le rythme des saisons agricoles de la zone tempérée de l’atmosphère nord, voire dans sa zone méditerranéenne. Déjà en juin et en juillet les textes parlaient des récoltes de champs de blé. Et en ces dimanches de fin septembre et de début octobre on nous parle de vendanges. Notez que cela vient désormais en retard car avec le changement climatique la date des vendanges avance un peu chaque année, et puis on se met à planter des vignobles dans le Sud de l’Angleterre… Les lectures de ce dimanche parlent toutes de la métaphore de la vigne pour évoquer les relations entre Dieu et son peuple. Dans l’esprit de l’écologie intégrale, cela nous fait entrer dans le regard de Jésus sur la création dans l’évangile selon saint Matthieu, comme dans le chapitre 2 de Laudato si’. La métaphore de la vigne nous montre à quelle point la création est importante aux yeux de Dieu car elle est ici le véhicule du message que Jésus veut nous faire passer sur sa mission. Cela dit, dans la première lecture, l’application de l’analogie de la vigne et de son destin pour la situation de notre monde est facile à trouver : « La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. […]. Il en attendait le droit, et voici le crime ; il en attendait la justice, et voici les cris. » La tribu d’Israël représente l’humanité entière. Le crime est la crise écologique. Les cris sont la clameur de la terre et la clameur des pauvres. Le ton de la première lecture et du psaume est grave, les demandes faites à Dieu sont pressantes. Le maître de la vigne exprime une déception : quelque-chose n’a pas marché. De même comme le dit le pape François dans Laudato si’ à la fin du premier chapitre, « nous avons déçu l’attente divine ». Le Psaume 79 exprime le désir de conversion qu’il nous convient d’avoir, dans ce contexte écologique, et notre attente de l’action salvifique du Seigneur. C’est pourquoi saint Paul nous exhorte dans la deuxième lecture : « Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. » Pourtant, comment vivre cette injonction à l’heure de l’écoanxiété ? C’est un vrai défi, je crois, car pour de nombreux chrétiens ce phénomène est une réalité poignante. Sont-ils pour autant de mauvais chrétiens ? Manquent-ils d’espérance ? Face à la crise écologique trois postures sont possibles : Premièrement, les enjeux sont tellement démesurés qu’ils nous glissent dessus comme sur les plumes d’un canard, c’est trop grand et lointain pour qu’on puisse se sentir concernés. On vit comme on a toujours fait et s’il y a un problème les scientifiques et l’état le règleront. Dans le même registre, on se dit deuxièmement que les enjeux dépassent la sphère d’influence et d’action humaine et seul Dieu peut résoudre le problème. Donc on attend qu’il agisse ! Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Enfin, troisièmement, les enjeux planétaires deviennent les nôtres en propre et on découvre que l’avenir incertain de la planète, c’est aussi le nôtre et celui de nos enfants. Alors naît l’écoanxiété. On prend conscience de la souffrance de la planète et de ceux qui y vivent, on se rend compte qu’on pourrait agir pour contrecarrer les problèmes, mais les actions engagées ne sont pas à la hauteur… Finalement et paradoxalement c’est bien cette dernière réaction qui semble la plus saine car la plus aux prises avec le réel. L’écoanxiété n’est pas une anomalie, elle est une réaction normale à une situation qui ne l’est pas : l’oppression de la nature par l’homme et la réaction violente du système planétaire par rapport à cette oppression. Alors saint Paul est bien gentil, mais si nous n’étions inquiets de rien au premier abord, cela voudrait dire que nous n’aurions pas conscience de l’ampleur des enjeux qui se présentent à l’humanité. Et ce serait irresponsable de notre vocation à être des gardiens de la maison commune. Le pape lui-même exprime cette inquiétude grandissante dans son exhortation apostolique Laudate Deum quand il parle du risque d’échec des efforts humains face au changement climatique. Dans un deuxième temps, peut-être faut-il approfondir la lecture de ce passage de l’épitre aux Philippiens en se mettant aussi dans la peau de celui qui a déjà intégré ces enjeux dans sa vie. Celui qui est engagé dans le soin et la sauvegarde de la création, voire dans la mise en œuvre de l’écologie intégrale. Comment peut-il entrer dans ces dispositions ? La confiance dont il est question nécessite un saut spirituel des plus important qui est l’acceptation que la résolution de la crise écologique puisse ne pas avoir lieu, ou en tout cas, pas en notre temps, ou pas comme on l’aurait souhaité. Cela veut dire que l’enjeu spirituel est bien de découpler l’engagement de terrain des résultats concrets que l’on souhaite voir se réaliser. Il faut se libérer de l’attente des résultats. En effet celui qui escompte les résultats de son action se situe dans l’espoir. Celui qui agit selon sa vocation sans se soucier du résultat se situe quant à lui dans l’espérance. L’espoir porte sur des réalités terrestres attendues et accessibles dans un futur plus ou moins proche. L’espérance porte sur l’union avec le Dieu vainqueur du mal, ici maintenant et pour les siècles des siècles. L’espérance implique que l’espoir soit dépassé et c’est souvent à travers l’épreuve du désespoir que l’accès à l’espérance est possible. Cette expérience est rendue possible par l’appropriation de la souffrance de la terre et des pauvres, car comme le dit le Saint-Père dans Laudato si’(19) : « L’objectif [est] de prendre une douloureuse conscience, d’oser transformer en souffrance personnelle ce qui se passe dans le monde, et ainsi de reconnaître la contribution que chacun peut apporter. »
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