Chronique d’écologie intégrale du samedi 30 Décembre 2023, Mémoire obligatoire de S. Grégoire de Nazianze, évêque et docteur de l’Eglise
Grégoire de Nazianze est fêté le 2 janvier en compagnie de son collègue et ami saint Basile de Césarée. Il est né en 330 à proximité de la ville de Nazianze. Il appartient à une famille chrétienne importante de Cappadoce en actuelle Turquie, située alors au cœur de l’empire romain du ive siècle. Il fait des études classiques à Athènes ce qui lui donne une parfaite maîtrise de la langue grecque et des techniques oratoires. En 359 il revient au pays et rentre au monastère de son ami S. Basile qui est un des Pères du monachisme oriental. Il devient prêtre puis évêque de Sasime. Ses études athéniennes sont mises au profit de la prédication et en particulier de la lutte contre l’arianisme triomphant de son époque. A partir de 378 il devient patriarche de Constantinople succédant à un évêque arien, mais la mission au service de l’orthodoxie est difficile et se voit contraint de démissionner et rentrer chez lui en 381, l’année même du Concile de Constantinople.
Il meure en 389, mais il mit sa retraite à profit pour composer des œuvres théologiques et spirituelles d’une grande importance pour nous aujourd’hui. Il reçoit de la Tradition le titre de « le Théologien », en particulier pour avoir composé cinq discours dits « théologiques » dans lesquels il expose la doctrine de la sainte Trinité contre les arguments ariens du grand représentant de la contre église de l’époque, à savoir Eunome. L’arianisme qui nie la divinité du Christ et encore plus celle de l’Esprit Saint était devenu une sorte de rationalisme. La logique de la langue grecque enfermait la divinité dans des formules à prendre au pied de la lettre. Ce type de discours éminemment cohérent était assez facile à comprendre et séduisait beaucoup de monde à l’époque. Avec les Pères dits Cappadociens, S. Grégoire de Nazianze défend la divinité du Fils et de l’Esprit dans ses discours 27 à 31, en prenant soin d’expliquer comment on fait de la bonne théologie en régime chrétien.
Mais voilà que sa méthode nous intéresse particulièrement dans le cadre de cette chronique car nous découvrons dans le discours 28 que S. Grégoire de Nazianze, s’appuie sur la création et les créatures pour faire de la théologie. Il développe une sorte de théologie naturelle s’inspirant du livre de la nature mais en cohérence parfaite avec les Ecritures saintes. Dans ce discours il consacre toute la deuxième partie à ce que les commentateurs appellent le « poème de la création » (des paragraphes 22 à 31) montrant ainsi que chercher Dieu dans la création est parfaitement biblique. Ce n’est pas le Dieu des philosophes mais le Dieu de l’Écriture qu’on retrouve, et « qui se donne au travers de sa création. » Pour Grégoire, le spectacle du monde fait se souvenir de Dieu[1]. Cela fait un écho direct à deux passages bibliques bien connus. Sg 13, 5 : « Car à travers la grandeur et la beauté des créatures, on peut contempler, par analogie, leur Auteur. » et Rm 1, 20 : «Depuis la création du monde, on peut voir avec l’intelligence, à travers les œuvres de Dieu, ce qui de lui est invisible : sa puissance éternelle et sa divinité. »
Depuis, la Tradition chrétienne n’a cessé de dire que la connaissance de Dieu était accessible à travers les œuvres de la création. C’est cette même Tradition sur laquelle le pape François s’appuie dans Laudato si’ pour en faire un argument en faveur de la valeur propre et intrinsèque des créatures, par exemple au paragraphe 33 :
Mais il ne suffit pas de penser aux différentes espèces seulement comme à d’éventuelles « ressources » exploitables, en oubliant qu’elles ont une valeur en elles-mêmes. […] L’immense majorité disparaît pour des raisons qui tiennent à une action humaine. À cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message.
Le pape François assoit sa théologie de la Bonne Nouvelle de la création sur les meilleurs théologiens de la Tradition multiséculaire du Christianisme.
Grégoire s’inscrit également dans la lignée du livre de Job pour penser le rôle théologique des créatures et leur diversité dans un esprit d’émerveillement. Citons S. Grégoire :
Veux-tu que je t’énumère aussi les différences que les autres êtres vivants ont avec nous et entre eux, leur nature et leur naissance, l’élevage de leur petits, leurs habitats, leurs coutumes et, en quelque sorte, la manière dont ils se gouvernent ? […] C’est là l’œuvre d’un être raisonnable qui est d’une sagesse surabondante et qui va jusqu’aux choses célestes[2].
Ceci est un commentaire du livre de Job au chapitres 38-41 dans lequel Dieu interroge Job sur les origines et le fonctionnement de la création. S. Grégoire énumère également ces caractéristiques formidables des créatures qui renvoient au Créateur, de la même manière que Job les passe en revue en posant cette question initiale : « Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? Indique-le, si tu possèdes la science ! » (Jb 28,4) Même si la science a évolué depuis l’époque de la rédaction de ces livres, cette dernière et en particulier l’écologie, est toujours le lieu d’un émerveillement qui nous conduit à reconnaître que Dieu est l’auteur de cette œuvre de la Maison Commune, la création.
[1] Grégoire de Nazianze, Discours Théologiques 27-31, Paul Gallay, Maurice Jourjon (Éd.), SC 250, Paris, Cerf, 1978, p. 43.
[2] Ibid., p. 153.
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