Chronique d’écologie intégrale du samedi 28 Octobre 2023, 30ème dimanche du TO, Année A
Nous nous rapprochons de la fin de l’année liturgique et, avec le passage par la fête de la Toussaint, les lectures de la messe dominicale vont prendre une coloration de plus en plus eschatologique. Il sera de plus en plus question de la fin des temps et du jugement dernier. Nous en avons un indice dans la deuxième lecture de ce dimanche quand S. Paul qui nous invite à, je cite : « attendre des cieux [le] Fils [de Dieu] qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient. » En ce dimanche, il s’agit pour nous d’entrer dans une attente active puisque toutes les lectures nous incitent à mettre en œuvre la charité envers nos frères et sœurs les plus pauvres et les plus démunis. Dans les termes de l’écologie intégrale, la parole de Dieu nous invite à nous mettre à l’écoute plus particulière de la clameur des pauvres. Le livre de l’Exode le stipule clairement : « Si tu les accables et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri. » Premier point à noter, il semble important, en vue du jugement de se mettre à faire le bien et à pratiquer les commandements. C’est donc qu’un réel jugement nous attend en rapport à nos actions. Notre mépris du pauvre, notre oppression du pauvre et de la création devrait entraîner pour nous la condamnation. Mais Dieu vient surtout pour nous délivrer des conséquences de la colère qui vient comme le dit S. Paul. On peut voir dans le mouvement de la première lecture le même que celui qui préside à l’élaboration de l’encyclique Fratelli Tutti et de l’exhortation apostolique Laudate Deum. Si le pape décide de faire un texte important sur un sujet, c’est bien qu’il y a un problème. Fratelli Tutti porte sur la fraternité sociale et donc la manière dont les humains construisent leurs relations aux seins des communautés. C’est un texte qui prolonge le sens de la fraternité que François a initié dans Laudato si’ et la fraternité cosmique. La première lecture pourrait aussi être une sorte de condensé des problème éthiques qui sont traités dans Fratelli Tutti : l’accueil et l’exploitation de l’immigré, les conditions sociales des plus défavorisés symbolisés par la veuve et l’orphelin. La question du rapport à l’argent et l’endettement des plus pauvres. Or, jusque vers la fin du Moyen Âge, rappelons-nous que le prêt à intérêt était interdit par l’Eglise dans les pays chrétiens, et entre chrétiens. On se souvient que cette pratique était néanmoins l’activité des juifs et à l’époque cela n’a pas aidé à leur bonne image, malgré leur utilité sociale … Aujourd’hui alors que nous luttons contre le changement climatique et même la crise climatique selon les mots du pape dans Laudate Deum, le mythe de la croissance économique est dénoncé comme principal facteur d’exploitation des ressources naturelles avec ses conséquences en termes de production de gaz à effets de serre. Or un des outils principaux de la croissance est justement le prêt à intérêt. Ce dernier est un acte magique qui crée de la valeur économique et donc de la monnaie, à partir de rien. D’après le jésuite économiste Gaël Giraud, la monnaie est elle-même un acte de magie : une parole assortie d’un pouvoir. C’est-à-dire une parole qui désigne une valeur associée à un bout de métal ou un bout de papier, et qui donne le pouvoir de s’approprier des biens voir des personnes … On comprend que l’argent ait de quoi inquiéter Jésus dans les évangiles au point de l’élever au rang d’idole en concurrence avec Dieu. C’est aussi un pouvoir qui se retourne contre celui qui s’endette car il se trouve asservi, non seulement à celui qui lui prête, mais aussi à l’argent lui-même. Alors peut-être aujourd’hui, dans la perspective de notre salut et du jugement pouvons-nous nous interroger sur notre participation et notre complicité active, mais surtout passive aux mécanismes qui génèrent de la croissance entretenant la crise écologique, la clameur de la terre et la clameur des pauvres. Faut-il pour autant en revenir au Moyen Âge ? Pas forcément, mais je note une chose intéressante dans la première lecture. L’archétype du pauvre, du démuni, est la double figure de la veuve et de l’orphelin. Dieu s’en fait le défenseur notamment par l’usage de l’épée. En écho, le psaume utilise également une métaphore guerrière pour illustrer le mode d’action divin dans la réalisation du salut : Dieu est une « forteresse », un château fort, un « bouclier », « une arme de victoire ». On trouve ici les formules qui ont inspiré l’institution de la chevalerie XIe siècle pour moraliser l’activité guerrière. A l’imitation de Dieu le chevalier s’équipe de son harnais pour mettre sa forme au service des causes justes, c’est-à-dire dans la défense des plus pauvres. En ces temps où le Moyen Âge est tant à la mode, de par la fréquence des fêtes médiévales dans de nombreux villages de France, voilà un lieu de dialogue culturel avec le monde pour raviver le sens de l’engagement pour se mettre au service d’une cause : répondre à la clameur de la terre et à la clameur des pauvres. Susciter l’esprit chevaleresque qui revient à la mode pour mettre en œuvre le commandement de l’amour pour le prochain et la création, voilà un programme qui me plaît.
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