Chronique d’écologie intégrale du samedi 14 Décembre 2024, Fête de S. Etienne, martyr
S. Etienne, fêté le 26 décembre est le premier des martyrs. Cette fête est célébrée depuis le ive siècle, d’abord à Jérusalem, puis à Rome. Nous ne connaissons ce martyr que par le témoignage du livre des Actes des Apôtres. Son nom suggère qu’il était juif hellénisant et fréquentait une synagogue de langue grecque. Il fait d’abord partie des Soixante-douze disciple appelés par Jésus, puis des sept premiers diacres institués par les apôtres pour le service des tables. Il n’abandonne pas pour autant la prédication et ses paroles sont confirmées par de nombreux miracles. En tant que proto martyr, c’est lui qui donne le ton et constitue le modèle du martyr pour la suite des âges : mourir en contemplant la gloire du Christ, en imitant Jésus sur la croix : « Seigneur Jésus, ne leur compte pas ce péché. » (Ac 7, 60). On peut penser avec S. Augustin que « Si Etienne n’avait pas prié, dit-il, l’Eglise n’aurait pas gagné Paul[1]. » Car un certain Saul était effectivement témoin de la scène. La passion de S. Etienne est considérée comme un prolongement de celle de Jésus sur la croix du fait de la proximité des deux événements. Ainsi Etienne est-il le couronné, par son nom de naissance (Stephanos en grec) mais aussi parce que son martyr participe de la victoire du Christ ressuscité. Alors arrêtons-nous un instant sur les deux composantes de la vocation de S. Etienne, le diaconat et le martyr. Le Concile de Vatican II a restauré le ministère de diacre permanent en l’ouvrant aux hommes mariés, afin de mieux correspondre aux orientations données dans les actes des apôtres : le service des tables, et partant, le service de la charité. Cela fait presque trente ans maintenant que dans différentes églises chrétiennes j’entends parler de l’idée d’un ministère diaconal environnemental, ou en d’autres termes, convient-il mieux qu’à d’autres que de confier le ministère du soin de la création aux diacres ? Notons déjà qu’aujourd’hui bon nombre de diocèses français choisissent de mettre ce ministère écologique dans leur pôle « diaconie », ce qui inclut souvent les questions sociales, migratoires et aussi de santé. Aujourd’hui les diacres sont en fait envoyés en mission dans leur milieu professionnel et ont le souci de l’annonce de l’évangile dans un domaine d’activité en particulier. C’est pourquoi il n’est pas rare de trouver un diacre paysan responsable de la pastorale rurale, un diacre ouvrier responsable de groupe d’ACO, un diacre soignant, responsable des questions de santé ou de bioéthique dans un diocèse. C’est pourquoi on trouve aussi des diacres, économistes ou biologistes responsables des questions écologiques. Mais ce n’est pas suffisant à mon goût. Un diacre, à travers le service des tables reçoit en fait un ministère de gestion de la vie matérielle de l’Eglise. C’est en ce sens qu’à l’origine ils pouvaient permettre aux apôtres de se dédier complétement à l’annonce de la Parole de Dieu. Un diacre devrait être économe diocésain par exemple, mais aussi régisseur. Il pourrait aussi être responsables du patrimoine immobilier, et aussi gestionnaire des propriétés comportant des espaces naturel ou végétalisés dont disposent bon nombre de communautés. Ils devraient donc être missionnés pour gérer et prendre soin du petit bout de création matériellement confié à la communauté. Qu’un diacre soit alors nommé référent diocésain à l’écologie intégrale devrait être un reflexe naturel pour un évêque, c’est encore plus clair en ce qui concerne la mise en œuvre du label Eglise verte. Allons plus loin encore. Comme je le répète souvent dans ces chroniques, le souci de la charité envers les plus pauvres s’étant désormais à la planète depuis que le pape François a associé la terre avec ceux qui souffrent au paragraphe 2 de Laudato si’. C’est à mon sens une raison nouvelle qui confirme que le soin de la création appartient en propre au ministère diaconal, de tous les diacres et pas uniquement à celui à qui on a confié cette mission dans un diocèse. Le deuxième aspect sur lequel je veux méditer ce matin est le suivant. Y a-t-il des martyrs de l’écologie intégrale et qui sont-ils ? Je termine en citant un article du philosophe catholique Jean Philippe Pierron sur la question : « dans toutes les contrées du monde, des défenseurs et défenseuses des terres et de la Terre, dont beaucoup appartiennent aux peuples premiers, sont tués : Berta Cáceres au Honduras en 2016, Paulo Paulino Guajajara au Brésil en 2019, Julián Carillo au Mexique en 2018. Aux Philippines, en Colombie, en Inde, en République démocratique du Congo… au moins 164 militants ont été assassinés en 2019, martyrs non d’une cause païenne mais d’avoir voulu prendre soin de la Maison commune contre la déforestation, les extractions minières ou pétrolières. L’écologie a malheureusement aussi ses martyrs. Ils offrent la consistance de leurs résistances en protestant contre le caractère mortifère du capitalisme extractiviste. Dans chacune de ces protestations qui disent « non », se manifeste un « oui » à l’importance de l’intégrité spirituelle et écologique de la Terre comme bien commun[2]. » et je rajoute, puissent-ils « [contempler] les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » (Ac 6, 56)
[1] S. Augustin, Sermon 382.
[2] Jean Philippe Pierron, « La Toussaint des martyrs de la Terre », Etudes 4319, Octobre 2024. https://www.revue-etudes.com/article/la-toussaint-des-martyrs-de-la-terre/27208.
Un Commentaire