Chronique d’écologie intégrale du samedi 22 Juin 2024, Mémoire obligatoire de Saint Irénée de Lyon, évêque, martyr et docteur de l’église
En voilà un saint avec un beau palmarès : saint Irénée, fêté le 28 juin est le seul saint de toute l’histoire à cumuler les titres d’évêques, martyr et docteur de l’église. On peut dire que le diocèse de Lyon a fait très fort en obtenant en 2022 de la part du pape François ce dernier titre, et plus précisément celui de « docteur de l’unité ». Pour la petite histoire, la demande avait surpris la congrégation pour la cause des saints car il n’y a pas de grade plus élevé que martyr, grade qui cumule tous les autres[1]… Mais bon, du point de vue de bon sens, étant donné l’importance capitale de l’œuvre théologique de ce père de l’église face à la gnose au second siècle, que saint Irénée soit reconnu comme docteur de l’église est en fait une évidence. C’est au livre V de l’Histoire de l’Église de S. Basile de Césarée que nous avons l’histoire de sa vie, se basant sur des éléments qu’Irénée donne lui-même dans ses œuvres. Il serait né en Asie Mineure un peu avant le milieu du iie siècle. Étant jeune, il a recueilli les paroles de saint Polycarpe évêque de Smyrne, mort vers 155 et disciple reconnu de saint Jean. Il enseigne à Rome pendant le martyr de Polycarpe puis il est connu à Lyon en 177, encore prêtre, probablement ordonné par saint Pothin. Il retourne à Rome au moment de la crise montaniste pour porter une lettre à l’évêque de Rome, Eleuthère. A son retour, Pothin ayant été martyrisé, il est nommé évêque de Lyon, un diocèse qui à l’époque s’étend du Rhin au Pyrénées… Il fut lui-même martyre sous Septime Sévère, mais les dates de sa mort sont incertaines entre 202 et 208. Ce martyre a été difficile à établir selon des sources contradictoires. Il est l’auteur du traité Contre les hérésies, Adversus haereses ouvrage majeur écrit autour des années 180 ou 185, dans lequel il dénonce et réfute « la gnose au nom menteur », hérésie aux multiples doctrines venues d’Orient en Italie, pour arriver en Gaules. La gnose valentinienne et celle du magicien Marc sévissaient dans la vallée du Rhône. Les gnostiques avaient une doctrine secrète réservée à une élite d’initiés. Par son livre, Irénée veut les mettre au grand jour et les réfuter par la raison, les Écritures, les paroles du Seigneur, la doctrine des apôtres, surtout saint Paul. De ce fait il est l’auteur d’une somme complète car le gnosticisme avait pour effet de dénaturer l’ensemble de la foi chrétienne. Il est aussi l’auteur de La Démonstration de la prédication apostolique dans laquelle il propose une catéchèse qui montre comment les Écritures annoncent la venue de Jésus Christ. Que retenir d’une œuvre aussi riche et aussi inspirante pour l’écologie intégrale ? Il est évident qu’en tant que fer de lance de la résistance contre les gnoses, il fut un promoteur hors pair de l’évangile de la création ! D’une certaine manière la gnose valorise l’esprit qui est pensé comme étant de nature divine au détriment de la matière qui s’oppose à l’esprit. En bon lecteur de S. Paul, S. Irénée n’a de cesse de proclamer la bonté de la création matérielle notamment sous l’angle de la récapitulation à la fin des temps. Non, la création matérielle n’est pas vouée au néant, elle est tellement bonne et importante pour Dieu qu’elle est appelée à être rassemblée dans le Christ ressuscitée. Cette bonté de la matière se répercute dans son anthropologie. Le corps humain est tellement bon dans le projet divin que c’est dans sa forme même que notre docteur y voit l’image de Dieu, pas dans l’esprit ni dans l’intellect. C’est dans ce qu’il y a de plus distant par rapport à Dieu, le corps, qu’il faut voir dans l’humain ce qu’il y a de plus semblable, à cause de l’incarnation. C’est ce qui permet de bien saisir le sens de la citation la plus connue de saint Irénée : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu[2]. » C’est par la vie de Dieu donnée par la résurrection du Christ que la personne humaine ressuscite dans toutes ses dimensions et en particulier dans son corps qui devient glorieux. Dans l’incarnation, à travers le corps humain de Jésus, Dieu assume tous les éléments de la création. La création de l’humanité est achevée par l’incarnation. La clé de compréhension de la création est l’Incarnation. Mais du salut de l’homme dans son corps, dépend le salut du monde matériel. La matière de la création est ainsi incorporée en Dieu par la médiation du corps humain c’est pourquoi c’est à toute la création ainsi sanctifiée qu’est promise la vie divine et la gloire en la création nouvelle. Chez S. Irénée on voit à quel point le destin de l’humanité est lié à celui de la création et réciproquement. On comprend mieux le rôle spirituel et médiateur de la créature humaine en faveur de la création : celui qui permet et amène son salut et sa glorification. Ça serait bien que ça se voit et se traduise dans nos actes de soin de la maison commune.
[1] Quand on a été martyrisé pour le Christ, on a en effet professé un témoignage de foi digne de toutes les sommes de théologie !
[2] Contre les hérésies, Livre IV, 20, 7.
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