Chronique d’écologie intégrale du samedi 07/09/2024, Fête de la Croix glorieuse
Le 14 septembre, quarante jours après la fête de la Transfiguration du Seigneur du 6 août, nous célébrons la fête de la Croix glorieuse. C’est une fête très ancienne qui remonte probablement à la dédicace de la Basilique du Saint Sépulcre à Jérusalem le 14 septembre 335. A cette occasion on y faisait des ostensions de la croix que l’on avait retrouvé neuf ans plus tôt. Entre la Transfiguration et là la croix glorieuse, c’est une sorte de carême que l’Eglise nous propose pour vivre ce mystère complétement pétri de paradoxes et de contradictions. Oui qui pourrait se glorifier d’avoir un instrument de torture comme signe distinctif… à par les chrétiens. Ce signe était perçu comme une honte lors des premiers siècles de l’Eglise car la croix était le supplice ignominieux réservé à ceux pour qui on n’avait aucun respect, en contraste avec la décapitation qui était-elle réservée pour la condamnation à mort des très respectés citoyens romains. Alors oui la croix comme signe de ralliement est un mystère, et saint Paul surenchérit, scandale pour les juifs, folie pour les Grecs. La croix glorieuse par sa matière même, le bois fait référence à un double mouvement : l’arbre de la connaissance du Bien et du mal, qui est l’arbre de la transgression par Adam et par lequel nous vient la mort. L’arbre de la croix est au contraire l’arbre de l’obéissance qui nous vaut le rachat et le pardon du péché, il est ainsi l’arbre de la vie parfois représenté avec des rameaux florissants sur de vielles mosaïques ou icônes. Sur la croix, Dieu donne sa vie pour nous en la personne de Jésus Christ. Voici un fait qui ne devrait jamais cesser de nous étonner. Alors que Dieu tout puissant donne ses commandements, au lieu de nous punir pour nos transgressions, voici qu’il n’a qu’un désir nous sauver des conséquences de notre désobéissance ! Premier paradoxe : « Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » (Jn 3, 17) La Croix du Christ est un moment de jugement, non pas pour le Christ, mais pour nous, et ce jugement prend la forme d’un salut. Le Psaume de la messe du jour nous donne la clé de compréhension d’une telle miséricorde. Nous sommes ce que Dieu n’est pas et réciproquement Dieu est ce que nous ne sommes pas, c’est ce qu’on appelle en langage technique la transcendance. Dieu, dans le psaume 79, est « miséricordieux, au lieu de détruire, il pardonnait. Il se rappelait : ils ne sont que chair, un souffle qui s’en va sans retour. » (Ps 77,39) Dieu ne peut pas attendre de nous ce qu’il attendrait de lui-même car nous sommes incommensurablement différents de lui. Mais voilà un deuxième paradoxe à élucider. Même si nous sommes très différents en nature, nous autres humains, sommes créés à l’image de Dieu. Il y a donc une similitude, une ressemblance qui nous invite à l’imiter ! De quelle imitation peut-il s’agir ? C’est là que nous avons un troisième paradoxe. La croix est un abaissement en soi, mais la croix est exaltée et glorifiée. C’est en acceptant de rejoindre le Christ sur la Croix que nous pouvons participer à son exaltation, à sa Résurrection. Cela nous amène à un quatrième paradoxe souligné par S. André de Crète dans son homélie pour la fête de la croix glorieuse : « S’il n’y avait pas eu la Croix, la mort n’aurait pas été terrassée, l’enfer n’aurait pas été dépouillé de ses armes[1]. » Il faut la mort de celui qui est la Vie pour que la mort soit vaincue, une fois pour toute. De tout ceci, je voudrais tirer trois enseignements utiles pour la mise en œuvre de l’écologie intégrale. Tout d’abord, nous rejoignons un thème récurrent dans ces chroniques : notre être à l’image de Dieu n’est jamais mieux accompli que quand nous imitons Dieu qui s’abaisse. La royauté du Christ s’exprime dans l’abaissement du service, la royauté de l’homme dans la création et sa domination passent par un abaissement en vue du service de la création et des créatures pour représenter Dieu qui aime ce qu’il a créé et agir en son nom. Deuxième élément important, c’est qu’à la suite de saint Paul aux Colossiens, la croix du Christ apporte la paix et la réconciliation pour tous les êtres, pas que pour les humains, toutes les créatures, celles du ciel et celle de la terre. Toute la création est donc concernée par cette fête. Enfin, si l’on regarde de près ce qui se passe dans la nature, on y trouve beaucoup de mort, de souffrance, de gaspillage et de violence. Ce sont les effets secondaires d’une création qui fonctionne sur le principe des relations écologiques. Ces dernières ne sont pas parfaites et sont le signe de l’inachèvement de la création. On peut ainsi dire que la création entière est marquée du signe de la croix, une souffrance inutile et scandaleuse qui nous invite à espérer le rachat de la création de toutes ces puissances de morts, pour elle-même rentrer dans l’exaltation et la gloire de Dieu, selon l’espérance propre de la création en Rm 8. La création porte en elle une empreinte cruciforme, non pas comme le tournevis, mais comme la croix de Jésus. « Ô croix, sublime folie, Ô croix de Jésus-Christ, Dieu rend par toi la vie et nous rachète à grand prix, L’amour de Dieu est folie, Ô croix de Jésus-Christ ! »
[1] Homélie de S. André de Crète, « La croix, gloire et exaltation du Christ ».
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