Lettre Maison commune – Septembre 2025‌

Lettre Maison commune – Septembre 2025‌

Édito

Que retenons-nous de l’été qui se dessine dans le rétroviseur de nos “rentrées” ?

Avons-nous pu honorer des vacances libres de toute inquiétude malgré les nouvelles (désastreuses) du monde qui toquent à la porte comme des coups de marteaux ?

Pour certains d’entre nous, oui probablement, « l’échappée belle » s’est accomplie, en partant le plus loin possible se réfugier dans l’illusion d’une liberté encore accessible, en consommant avion, ciel bleu et plages paradisiaques…

Pour d’autres, partir en vacances est un acte de survie, une bouée de sauvetage permettant de continuer à vivre malgré tout, en accédant aux plaisirs simples, à la joie, à une certaine insouciance, le temps d’une parenthèse… Cela est bien compréhensible et bien nécessaire.

Pour les plus averti-e-s, qui sont éventuellement aussi candidat-e-s à l’éco-anxiété, ce temps estival n’a en rien ressemblé à des vacances d’enfance. Impossible de faire semblant, impossible de voir le ciel se couvrir de fumée et de cendres sans pleurer, impossible de se résigner à l’inaction politique, impossible de supporter l’écart qui se creuse entre celleux qui s’en foutent et celleux qui trinquent, impossible de supporter d’être comme la grenouille au fond de la marmite sans hurler de rage…

Comment ne pas reconnaître à l’humain une formidable capacité d’adaptation… qui, pourtant, risque de lui couter cher s’il n’en découvre les limites ? Il y a des seuils, des “limites dures” comme les nomment les scientifiques, infranchissables. 41,8° au Japon, 46,6° à Mora au Portugal, 51,6° aux Emirats Arabes Unis, des records absolus de chaleur jamais atteints…. La grenouille est déjà cuite alors qu’elle croit faire une thalasso et oublie d’enlever le bandeau sur ses yeux. Car ce qui est vraiment remarquable, à nouveau, c’est notre capacité à oublier, une forme de résilience, ou peut-être de cécité… Plus la pression augmente, plus le déni semble augmenter également. Normal ! somme toute, car dans l’impossibilité à faire face, le déni peut être une stratégie d’adaptation, efficace mais dangereuse. En nous évitant de succomber à la peur, il nous prive également de notre capacité de réaction. A l’inverse, oser ouvrir les yeux sur les réalités du monde, même si c’est fichtrement douloureux, nous permet d’enclencher notre capacité de réponse (respons-abilité) et, soutenus par la foi et nos communautés de vie et de prière, d’ouvrir des chemins de traverses inédits et de nourrir l’espérance.

Alors, en ce temps de reprise, sommes-nous prêt-e-s à ouvrir nos yeux et nos cœurs aux cris de la Terre, du Vivant, des pauvres ? A faire un pas de côté, à sortir des ornières de nos habitudes, à reconsidérer nos modes de vie, d’alimentation, de relation… ? Passer du déni de réalité au constat lucide peut, à l’inverse de ce que nous redoutons, nous faire gagner en liberté et nous encourager à aller de l’avant vers plus de douceur, de paix, d’harmonie avec les êtres qui nous entourent, humains et autres qu’humains. “Paix avec la Création” ce très beau thème choisi pour le Temps pour la Création 2025 (du 1er sept. au 4 oct.) est un encouragement à la réconciliation avec tous les vivants sur cette terre, une occasion particulière d’’interroger notre place d’humain au sein de la nature, nos relations avec nos frères et sœurs de planète, animaux, plantes, écosystèmes… et d’œuvrer à une cohabitation pacifiée au sein de la Maison Commune.

Mais tout cela, vous le savez, vous qui lisez cette lettre, parce que vous êtes des croyants et qu’à celui qui croit, tout est possible… Alors, il n’y a plus une vie à perdre ! Ultreïa !
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Christine Kristof

Témoignage de Loraine d’Andiran, pasteure à Genève : “S’émerveiller, apprendre à partager et à préserver …”

Voici un témoignage sensible d’une pasteure engagée pour le Vivant au sein d’EcoEglise en Suisse que nous vous offrons pour ouvrir ce Temps de paix avec la Création.

Je suis devenue végétarienne enfant, en comprenant le lien entre la viande dans mon assiette et le lapin ou l’agneau dans les champs. Personne ne l’était dans ma famille ni à l’école. J’ai dû apprendre à défendre ce mode de vie qui était pour moi une évidence et à ne pas écouter les moqueries, etc. Même sans consommation de chair animale, j’ai réalisé aussi que vivre implique d’absorber du Vivant, quel qu’il soit. Ce n’est pas un dû mais un don, que je reçois dans la gratitude…
Et je fais à mon tour des « offrandes de vie ». Des gestes infimes au regard de tout ce qui est à accomplir, mais ancrés dans mon quotidien et liés à ma pratique spirituelle. Des écogestes par exemple, qui m’aident à dépasser le jugement ou la colère envers les gens qui ne respectent rien, à me positionner humblement face à la démesure des pays riches. Aucun de ces gestes n’est sacrifice ou privation ; je les vis comme des expressions de liberté et de lucidité. Nous devons cultiver la beauté, la simplicité, l’émerveillement devant tout le Vivant, en nuisant le moins possible. Pasteure protestante, je fais partie du réseau suisse romand EcoEglise (proche d’Église Verte), je coorganise des évènements sur l’éco-spiritualité et je célèbre plusieurs cultes par an autour du soin que nous devons à la Création.

Mon engagement écologique, personnel et ecclésial, est selon les jours désespéré, révolté, joyeux ou confiant. Car il y a une tension entre consentir au réel, avoir foi en Dieu, en l’humanité, en l’avenir et s’engager pour des changements. J’ai parfois l’impression de crier dans le désert, de m’épuiser à essayer d’impulser des choses ou à remettre en question des habitudes et réflexes. Cela me pèse moins quand je me détache du résultat de ces actions, ou du nombre de personnes touchées. « Un semeur est sorti pour semer… » Cette parabole invite à récolter ce qui croît, ce qui est bon. Sans s’acharner contre les épines, sans vouloir séparer « le bon grain et l’ivraie ». Voir le verre à moitié plein, célébrer ce qui évolue dans les mentalités, faire simplement ce qu’on estime juste : c’est notre travail et notre vocation commune ! Car nous ne faisons que passer, rien ne nous appartient. Nous sommes là pour nous émerveiller, pour apprendre à partager et à préserver, dans une quête de cohérence, pas à pas. Et il est bienfaisant d’être en lien avec d’autres personnes engagées sur ce chemin !

Bien en communion avec vous !
Loraine d’Andiran

Retour sur événement …
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Le Festival des Poussières, Evangile et Révolution – 21 au 24 août à l’éco-hameau de Goshen vécu par Anne-Claire

Nous étions 600 personnes de toute la France et d’ailleurs rassemblées à Goshen pour la 3ème édition du Festival des Poussières ! “Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice”, quel beau programme dans cet éco-lieu chrétien, au cœur des vallons bourguignons. Quatre jours de moments forts et de communion, c’était une immense joie de nous découvrir si proches par le souci de la terre et des hommes, malgré le sentiment d’être parfois esseulés localement. Vivre l’aventure d’un festival 100 % auto-géré et végétarien, où chacun est bénévole et invité, whaou, tout est possible si on en a l’envie ensemble !

Écouter des conférences, participer aux ateliers manuels mais pas que : préparer les repas et faire la vaisselle, tenir le bar ou vider les toilettes sèches … chanter, danser ou boire et discuter à la nuit tombée autour d’un feu de bois pour se réchauffer. Et se rassembler chaque matin et chaque soir autour de temps de prières œcuméniques sur le plateau herbeux au milieu du bois. Oser la prière queer ! Oser parler politique et assumer nos désaccords en cherchant nos points communs ! Oser mêler les chants religieux et les chants révolutionnaires dans une atmosphère militante et respectueuse ! Une occasion inouïe de se ressourcer avant de repartir vers nos engagements du quotidien.

Hommage à Joanna Macy


Joanna Macy n’est pas particulièrement connue des milieux chrétiens, car la vision de cette écophilosophe est souvent rattachée à la pensée bouddhiste. Pourtant son apport sur les questions d’écologie intégrale (écologie profonde, écopsychologie, écospiritualité…) est essentiel pour accompagner une démarche de conversion et irrigue depuis peu les courants chrétiens (voir agenda). Joanna Macy est décédée le 19 juillet 2025 à l’âge de 96 ans laissant derrière elle un fabuleux travail au service de la Terre et du Vivant et des ressources précieuses pour nous, humain-e-s engagé-e-s à en prendre soin.
“L’œuvre théorique et pratique visionnaire qu’elle nous lègue est plus que jamais nécessaire pour traverser cette période de tempêtes, répondre à l’éco-anxiété, apporter de la lumière dans les ténèbres, nourrir des engagements pour le changement de cap et rouvrir des horizons d’espérance. Elle nous a offert pour tout cela un outil prodigieux qui l’a rendue célèbre aux quatre coins de la planète : le Travail qui relie” nous dit Michel Maxime Egger dans un hommage qu’il lui rend.

retrouvez l’intégralité de cette infolettre – ici –

 

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